Chapitre 30 - Tornade

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- Euh... y a quelque chose qui va pas ? T'as passé une sale journée ?

Je comprenais pas ce qui se passait dernièrement avec Rivière. À peine rentré, il est parti s'enfermer dans sa chambre. Lui et moi, on était plutôt similaires : timides, plutôt gentils, introvertis... Alors j'avais souvent réussi à percer ses émotions à travers son comportement, malgré le fait qu'il soit de deux ans mon aîné. Mais cette fois-ci, je n'arrivais pas à déceler la raison de son isolement soudain.

- Eh, Rivière ? Il se passe quoi ?

J'ouvrai la porte de sa chambre... bon, de notre chambre, parce que, oui, on dormait encore ensemble. Comme tous les petits frères du monde, j'avais le lit du bas tandis que lui me réveillait chaque matin avec les grincements de l'échelle. On ne s'était jamais vraiment disputés, en réalité, parce que notre introversion nous avait rapproché. J'avais jamais eu vraiment d'amis et mon frère était un peu une sorte de meilleur ami qui ressentait la même timidité que moi, finalement, je pouvais donc lui confier n'importe quoi, car je savais qu'il comprendrait ce que je ressentais.

- Rien, t'inquiète pas, Tornade.

Je ne sus trop pourquoi, mais en prononçant mon nom, Rivière parut encore plus troublé. Pourtant, ces derniers temps, il sortait beaucoup plus dehors, et j'étais sincèrement heureux pour lui, car il semblait avoir retrouvé une bonne vie sociale, ce qui honnêtement n'était pas joué d'avance depuis deux ans. Depuis qu'elle l'avait brisé.

Brise était le cliché parfait des bad bitches, des pestes de série américaines qui passaient le dimanche en vacances, parce que les chaînes n'ont tout simplement rien à mettre, sachant pertinemment qu'elles allaient faire des audiences quasi-nulles. Elle avait du charisme, était cool, avait des résultats potables, et quand elle avait des mauvaises notes, elle savait pertinemment que ses parents ne feraient rien. On aurait dit que ses parents étaient inexistants, et qu'elle vivait toute seule, comme une adulte.

- Bah si, je m'inquiète. Il s'est passé quelque chose de mal ? Déjà, l'autre jour, t'avais pas l'air bien quand tu m'as raconté ton date nul.

- Ouais... En fait... Je crois que j'ai complètement foiré deux relations, voire trois, voire... je sais pas !

Il m'expliqua tout, puis je tiquai sur un nom prononcé plusieurs fois par mon frère. On s'était perdus de vue y a quelques années, elle et moi, et vu le peu de confiance en lui de Rivière, ça m'étonnait qu'il ait pu lui parler. Enfin, vu que lui et moi, on était pareils, c'était assez logique qu'ils se soient disputés.

-Tu l'as revue ? J'arrive pas y croire. Tu as pu lui parler ? Elle t'a reconnu ?

-Elle ?... Euh... je crois pas, mais ça ajouterait une raison pour laquelle elle me déteste...

-Elle déteste tout le monde, rectifiai-je amèrement. Elle a besoin de se trouver des coupables ; c'est jamais de sa faute, à cette fille. Elle rejettera toujours la faute sur les autres, incapable d'accepter qu'elle a tort. C'est probablement son pire défaut, et c'est pour ça qu'elle frappe et insulte, c'est son seul moyen de défense quand elle essaie de se convaincre qu'elle a encore raison.

-Si tu le dis, soupira-t-il. Mais tu sais, ça peut peut-être paraître débile, mais j'aurais quand même besoin de m'excuser auprès d'elle. Parce que finalement, c'est moi qui ai tout fait déraper.

-T'excuser ? C'est plutôt à elle de s'excuser ! Elle a fait une crise de jalousie alors que c'est elle qui a commencé à tout faire partir en vrille ! La seule personne fautive, c'est elle, et pas toi !

-Tu penses ? Dans tous les cas... j'avoue m'être un peu inquiété, quand elle nous a regardé. C'était terrifiant, parce que son regard n'était pas le regard d'une adolescente, c'était un regard vide, où je ne pouvais ressentir aucune émotion. On aurait dit qu'elle n'en avait plus rien à faire qu'on soit là ou pas et que la vie n'importait plus pour elle...

Je comprenais ce que Rivière me décrivait. Ce regard, je l'avais déjà vu une fois. C'était le dernier jour d'école, et alors que dans tous les yeux de nos camarades, on pouvait lire à la fois de la joie et la tristesse de quitter ses amis, elle ne dit rien, elle quitta juste l'école silencieusement, avec ce regard terne et creux. Et le surlendemain, on apprit que son père s'était suicidé.

ChamyvièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant