Je soupirai, toujours obligée de rester l'entièreté de ma journée seule, dans cette chambre vide où j'avais tenté de commettre l'irréparable. Je connaissais le relief des murs décrépis par cœur à force de les regarder. Je n'avais même pas la force de tendre le bras pour attraper un livre ou quoi que ce soit.
J'étais seule, clouée sur un matelas trop dur, toujours coincée avec mes démons. Si j'avais pu croire que cet acte me ferait commencer de zéro, afin de repartir sur de "bonnes bases", il fallait bien croire que je me trompais lourdement. Seule, cloîtrée dans cette pièce que je connaissais à présent trop bien, je n'avais personne pour m'aider à affronter l'angoisse qui me tenaillait, l'anxiété qui avait redoublé depuis ce fameux jour où j'avais causé tant de problèmes à cause de ma jalousie mal placée. Seuls Plumy et Tornado venaient me rendre visite, même si, bien évidemment, ma mère s'assurait que tout allait bien, faisant à manger et prenant de mes nouvelles chaque matin et chaque soir, mais le reste de la journée, elle fuyait ses responsabilités familiales, laissant sa fille comme toujours, seule. J'étais habituée, soit la solitude venait à moi, soit je courrai vers elle par peur de perdre ce que j'avais pas encore acquis.
Je savais que ma mère m'aimait, mais je crois qu'elle était juste démunie face à tous ses problèmes et qu'au lieu d'affronter ses démons, elle préférait se réfugier dans un lieu plus sécurisé qu'un appartement presque vide et délabré, c'est-à-dire son bureau afin de se battre contre des listes, des tableurs, des mises à jour et des machines à café. Au moins... je savais de qui mon frère et moi tenions.
- J'espère que Tornado a réussi à convaincre Plumy de venir... Elle vient beaucoup moins souvent que lui, et je ne lui ai pas présenté d'excuses en bonne et due forme, que ce soit à elle, à Tornade ou à Rivière, d'ailleurs.
Parler à voix haute alors que j'étais toute seule témoignait peut-être de ma folie, mais au moins, cela brisait le silence devenu si anxiogène au fil des années passées allongée sur le lit à fixer l'ampoule suspendue au plafond. Je vivais ici depuis aussi longtemps que je m'en souvienne, mais ce n'était pas un endroit pour vivre. Pour survivre, peut-être, mais pas pour vivre. Ce lieu était dénué de vie, froid et morose, tranchant avec le soleil chaleureux de ce début d'été, ce soleil que je n'aurai pu jamais revoir s'il n'avait pas été là.
Sur les murs pouvaient encore être aperçus les traces de sang séchés que personne n'avait pris le temps de nettoyer.
-Chanaé ? C'est moi.
Entendre le grincement de la porte huilée il y a trop longtemps pour être silencieuse et le timbre de cette voix que je connaissais à présent si bien m'emplit de soulagement. Quelques instants après, je vis apparaître des cheveux noirs, ceux qui m'avaient tant subjuguée ce fameux jour de mai où je l'avais rencontrée, à travers la porte entrebâillée de ma prison, puis celle-ci s'ouvrit complètement, laissant apparaître Plumy toute entière.
- Pourquoi ?
Ce mot, je l'avais déjà entendu de sa bouche, lorsqu'elle avait fondu en larmes sous les yeux d'infirmiers, de nos amis, et surtout sous les miens, répétant inlassablement le même mot, avec toujours plus de douleur à chaque nouvelle fois où elle répétait « pourquoi ?! », toujours plus fort, toujours plus tristement, d'une manière déchirante qui m'avait brisé le cœur, plus que ce n'était déjà le cas. Sur le coup, je n'avais pu lui fournir de réponse, me contentant de mouiller la couverture blanche de mes larmes. Mais cette fois-ci, c'était différent, car même si je voyais encore la douleur sur son visage, je pouvais également y lire de la détermination. Ses yeux me disaient qu'elle était forte et préparée à entendre n'importe quelle horreur pouvant justifier une tentative de suicide.
- Je pensais...
J'essayais de me donner une raison pour laquelle elle ne m'en voudrait pas, mais c'était impossible j'étais incapable de trouver quelque chose d'assez grave pour justifier cet acte, peut être parce qu'il n'existait justement aucune raison valable ?
- Je n'arrivais pas à m'en sortir... je pensais être la source de tous vos problèmes, je pensais::: que cela en serait la solution. J'avais tort, n'est-ce pas ?
Plumy, d'une expression étrangement compréhensive, hocha la tête dans un mot tandis que je baissais la mienne, accablée par la honte qui le consumait au quotidien.
- J'ai été diagnostiquée comme étant atteinte de dépression quand j'avais douze ans. Je n'arrivais pas à m'en sortir de l'intérieur, alors j'essayais de sauver les meubles de l'extérieur. Partant du principe que ce qui était déjà caché devait le rester, de peur d'au passage déterrer d'autres sujet n'ayant pas lieu d'être déterrés, j'ai décidé de ne laisser rien paraitre. J'avais l'habitude, de toutes façons, car mon père n'était pas du genre... tendre. Ouais, on va dire ça comme ça : j'avais l'habitude.
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Chamyvière
Roman d'amourDes romances, il y en a beaucoup. Des polyromances, en revanche... Pourtant, ce livre raconte la romance polyamoureuse de trois humains qui n'ont presque rien en commun et qui vont finir par tomber amoureux les uns des autres. Chanaé, Plumy et Riviè...