Chapitre 23 - Chanaé

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- Nan mais regardez moi ces rebuts de la société... Sale pédale, retourne dans ton trou !

Plumy. Par terre. Trois types et une fille. Ma vision se troubla, à qui appartenait ce sang par terre ? Je n'en savais rien, tout en moi était brouillé par la rage. Je ne pris pas le temps de mesurer combien mon idée était stupide, à quatre contre une. La seule chose qui me préoccupait, c'était de les punir et cette pensée revenait à chaque battement de cœur, ce cœur qui dansait à un rythme endiablé dans ma poitrine à cause de l'adrénaline et de la peur à la fois. Pitié, qu'elle soit vivante, qu'elle n'ait rien. Si ma vie importait peu, la sienne était bien plus précieuse, et j'étais prête à sacrifier tout ce que j'avais bâti jusque-là afin qu'elle ne vive ne serait-ce qu'un jour de plus.

- On dirait que la deuxième gouine se ramène après avoir lâchement fui dans un magasin avec son pote tout aussi trouillard ? lança un des mecs.

Je ne lui répondis rien. Ces types n'étaient que des gêneurs, je pensais pouvoir les éliminer rapidement, comme Plumy l'avait fait.

Je voulais lui rendre la pareille.

- Chanaé, arrête ! cria Rivière en arrière-plan.

Mais je ne l'entendais plus. Je n'entendais plus que le bruit de mon cœur qui jouait de la batterie dans ma poitrine, ce son qui me raccrochait à la vie, ce bruit qui ne symbolisait plus pour moi que la rage de vivre, de prouver à ce monde que je n'étais pas faite pour courber le dos. Les quatre connards m'avaient visiblement sous-estimée, au départ. Leur asséner un premier coup fut une chose facile, mais maintenant ils savaient que je n'allais pas me laisser faire. La fille du groupe me jeta son pire dans la tête, que j'esquivais maladroitement, perdant au passage l'équilibre.

- T'as déjà perdu, ricana-t-elle. Je t'offre une chance de partir sans égratignure avec ton pote, on s'arrangera avec ta copine.

C'est ta seule chance.

Plumy remua un peu sur le sol. Elle était vivante! Elle me jeta un regard rempli de désespoir et de colère. Elle était en colère contre... moi ?

- V.. Va-t-en avec Rivière, lâcha-t-elle avec difficulté.

- Ne parle pas ! criai-je, paniquée. Économise tes forces !

- Ne te sacrifie pas pour moi...

- Alors ? Même elle veut que tu te casses d'ici. C'est mieux pour tout le monde, crois-moi. Tu la reverras vivante, t'inquiète pas. On va pas la tuer.

C'était eux que j'allais tuer. Je suis pas désolée, Plumy, mais il était hors de question que je te laisse avec des bouffons homophobes.

- Réfléchis ! hurla-t-elle. Vous pouvez pas... gagner. Je vais revenir, promis !

- C'est absolument hors de question !

Je lançai mon poing dans la tête de la fille qui tomba au sol, sonnée. Deux de ses coéquipiers se jetèrent sur moi, je repoussai l'un mais savais que je devrais me battre au corps à corps avec lui. Il parvint à me mettre à terre et je sus que si je m'obstinais comme ça, j'allais forcément perdre, et Plumy mourrait. Cette raclure de Rivière pouvait bien crever, et moi... Ça ne me posait pas de problème.

- Alors ? C'est ma dernière proposition. Tu te casses en nous confiant ta prétendue petite copine ou tu t'obstines dans ton orgueil et ta bêtise ? Arrête de penser avec ton cœur et commence à penser avec ta tête !

J'étais coincée. La meilleure option me semblait la fuite, et je détestais cela, je haïssais cette façon de penser.

- Rivière, sers à quelque chose trou du cul, bordel ! hurlais-je.

Le temps qu'ils se retournent vers lui, cet imbécile avait réussi à se rendre utile en commençant à hisser Plumy sur lui. Étant donné que les quatre connards ne prêtaient plus attention à moi, je courus auprès d'eux et commença à fuir, Rivière derrière moi, peinant à avancer avec ma petite amie sur le dos. Les bouffons ne nous suivirent pas, estimant sûrement qu'on n'en valait pas la peine et qu'on avait dû comprendre la leçon.

- Putain, mais t'as servi à rien, bordel de merde !

Nous nous étions réfugiés dans une petite rue où Plumy pouvait se reposer. Elle ne souffrait de rien de grave, quelques bleus, c'est tout.

- C'est moi qui ai donné l'alerte et qui l'ai porté ! se défendit Rivière.

- Super, t'es allé chercher de l'aide après t'être pris un coup de poing. Bravo, le courage. T'es amoureux d'elle et t'es pas capable de la protéger. Super. Je te félicite.

Dans un excès de rage, je levai mon poing afin de frapper Rivière, mais quelque chose m'en empêcha.

Quelque chose, ou plutôt quelqu'un.

- Si tu veux faire du mal à Rivière, Chanaé, il faudra d'abord me passer sur le corps.

Je n'avais jamais été aussi blessée. Je ne me suis jamais sentie aussi trahie qu'à cet instant. Je croyais m'être reconstruite... Je me trompais. J'allais devoir tout recommencer de zéro.

Merci de ta fidélité, Plumy.

ChamyvièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant