Chapitre 32 - Rivière

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C'était Plumy qui m'avait passé l'adresse de Chanaé. J'avais un mauvais pressentiment, j'avoue, en allant chez elle, suivi de Tornade. J'avais sonné à l'interphone, mais pas de réponse. Ce fut une femme âgée qui nous aida à monter. Arrivés devant l'appartement désigné par la dame, la première chose qui sauta aux yeux fut la porte d'entrée entrouverte. En entrant, l'odeur de fumée de cigarette nous prit au nez. 

- Euh, y a personne ?

Visiblement, non. Des cendres froides gisaient au sol, sûrement les restes de clopes traînant sur le parquet depuis quelques temps. La fenêtre était ouverte sur la ville, sur le ciel gris nuageux et sur la monotonie et la tristesse urbaine. Tornade et moi avons commencé à ouvrir des portes au hasard, pour vérifier si l'appartement était bien vide.

- Si ça se trouve, elle s'est trompée, me lança mon frère d'un ton hésitant.

J'étais tout aussi mal à l'aise que lui. L'idée de m'être infiltré dans un appartement sans autorisation, surtout si c'était celui de la fille qui nous détestait tous les deux, me répugnait un peu.

Après être passé par une chambre vide et les toilettes, j'ouvrai une porte, découragé, et cette fois-ci, cette chambre n'était pas vide. En voyant Chanaé assise sur le lit, je fus paradoxalement empli à la fois par le soulagement et une peur intense. L'information mit du temps à parvenir à mon cerveau, je ne réalisai pas ce qui allait se passer sous mes yeux. 

- Chanaé ? Qu'est-ce que tu fais ? Chanaé ?

Elle ne répondit pas.Elle était complètement absorbée par ce couteau qui se trouvait dans ses mains. Quant à moi, j'étais complètement terrifié.

-Rivière ? T'es où ?

-Reste où t'es, Tornade ! hurlai-je, complètement paniqué.

Chanaé était plongée dans sa contemplation de la lame sur laquelle les nuages se reflétaient.

-Ne fais pas ça Chanaé, s'il te plaît !

Enfin, elle leva les yeux vers moi, des yeux qui étaient remplis de défi, de colère et surtout de désespoir. Elle sourit tristement et dit simplement :

-C'est trop tard... ça devait arriver un jour ou l'autre... C'est mieux pour tout le monde.

Elle empoigna sa lame, esquissa encore un sourire horriblement compatissant, et ajouta doucement :

-Tu ferais mieux de pas regarder... C'est génial, de pouvoir tout terminer d'un moment à l'autre, mais toi, tu ne veux pas voir ça, n'est-ce pas ?

J'étais complètement paralysé. Elle ne pouvait pas faire ça, c'était impossible ? La Chanaé que j'avais rencontré était fougueuse, impulsive, pas au bord du suicide ! Il fallait que je fasse quelque chose en urgence car je savais qu'elle allait le faire si je n'agissais pas.

-Chanaé, arrête ça !

Je sortis de ma paralysie et avança vers elle, malgré mes jambes flageolantes. Mais sa réaction me terrifia encore plus : elle prit le couteau dans sa main droite et mit la pointe contre son ventre, tout en continuant de me regarder.

-C'est trop tard, Rivière ! Ça devait arriver, et retarder encore l'échéance ne fera que vous causer plus de problèmes. Rends-toi à l'évidence, je suis la cause de tous mes problèmes et de tous les votre aussi !

Je refusais de croire qu'elle avait raison. Les larmes commençaient à s'écraser sur le sol, tombant en cascade sur ses joues.

-Rivière, qu'est-ce qui se passe ?

Tornade entra en catastrophe dans la chambre de Chanaé et ne vit pas celle-ci au premier abord.

-Tornade, ressors de cette chambre, laisse-moi. 

Tornade tourna la tête et vit son ancienne amie, les larmes sur ses joues et la lame appuyée sur son tee shirt. Il recula, les yeux écarquillés, et sortit de la chambre sans un mot de plus. 

- Fais comme lui, Rivière, va-t'en ! Tu ne veux pas... C'est trop tard ! hurla-t-elle. Dis à Plumy, ton frère et Tornado que je suis désolée...

Et elle enfonça d'un coup la lame dans son ventre, tout en souriant tristement, et ferma les yeux.

ChamyvièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant