foire

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jeff, je suis une putain de bête de foire.
on rend compte de mes désastres, de mes chutes, de mes ébullitions. mais on n'est pas dans ma tête, jeff. on n'y est pas. on ne sait pas l'angoisse derrière chaque geste, on ne sait pas la peur qui glace et qui brûle l'instant d'après. on ne sait pas et pourtant, on raconte. c'est beau de raconter, jeff. quand on raconte pour soi.
on peut inventer tout ce qu'on veut, donner sens à ce qui n'en a pas, oublier des détails, en ajouter parfois.
le récit est menteur de nature, jeff. l'humain a-t-il un jour été réel ? il dit ce qu'il voit, ce qu'il pense, appelle ça réalité et la distribue à qui veut l'entendre.
on veut me raconter à ma place, jeff. j'ai tout entendu. folle, grosse, brave, moche, sublime, timide, discrète, mince. je ne sais plus ce qui m'appartient parmi tout ça. ma propre mère a dit ce matin, devant une énième angoisse de ma part, que c'était de la dingomanie. mon père, en décembre, m'a hurlé que j'étais folle. et à côté de ça, ma cousine, qui m'a trouvée sublime lorsque je l'ai vue en juillet, et qui a dit à mon père qu'elle admirait ma bravoure lorsque j'étais au collège. je préfère l'écouter elle.
je t'aime.

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