jeff, j'ai maigri
je n'ai plus rien d'une femme
mes épaules sont plus larges que mes hanches désormais,
ma poitrine s'est résorbée
mon dos est tordu, il l'a toujours été
j'ai déchiré mon corps,
mes mains en sont déformées
ma peau est morte,
et je n'existe plusj'ai appris à considérer mon corps comme une œuvre d'art plutôt qu'un modèle à parfaire
seulement voilà, mes yeux ont perdu leur couleur
leurs extrémités sont rougies par toutes les larmes d'août
le stress commence à apparaître sur mon visage
je pensais les traces derrière moi,
elles reviennent, les acrobatesmes jambes sont belles,
seulement on m'a dit de les blesser pour que l'université m'aimemes cheveux sont longs,
on dirait une sirène
pourtant ils n'ont plus de saveur
et la sirène est échouée sur la terre fermeet puis on m'appelle folle
à cause de mes mains brûlées
on me dit que je ne réussirai jamais
que tout est déjà parti en fuméeje ne me sens plus humaine, jeff
on me crache au visage que j'invente
qu'on ne m'a jamais maltraitée
pire encore,
on me dit que je suis aiméemais aimée par qui, jeff ?
par des gens qui s'amusent à me dire que mon anxiété est fatigante pour eux ?
par des gens pour qui le repos signifie mon absence ?
par des gens qui sont censés m'aimer depuis ma naissance ?ils doivent penser que ce sont les paramètres par défaut, que je leur pardonne, que j'oublie.
mais je n'oublie pas, jeff.
on n'oublie pas l'angoisse glacée qui nous confisque le cerveau
on n'oublie pas la douleur d'être perçu comme un animal,
comme un fardeauon n'oublie pas les efforts balayés, on n'oublie pas les cris, on n'oublie pas les portes claquées.
je vis dans la peur, jeff.
la peur qu'on me jette de la maison
la peur de n'avoir aucune famille
la peur de voir tout le monde s'évaporer
à la première difficulté qui vient avec ma personneje vis dans la peur, jeff
et maintenant j'ai peur d'avoir raison.