jeff, il me trouve belle
il ne cesse de le répéter
hier il est resté dans mon appartement jusqu'à deux heures et demi
nous étions ivres de fatigue, et il m'a prise en photo
je me suis trouvée belle aussi.
on aurait dit ma mère dans ses jeunes années
il m'a pris la main, et puis il a déposé un baiser sur mon épaule
ses mots étaient amoureux, jamais contraintes
il me respectait.
en amphi, nous agissions comme deux idiots
l'un reposant sa tête sur l'épaule de l'autre
deux oiseaux fatigués par les discussions et les rires de la veillée
la peur avait épousé ma soirée, il l'a ôtée de moi comme on ôte un gilet
il a pris mes tremblements et les a consolés
il a pris ma main et toute ma peur
il l'a bercée
jeff, comment est-ce possible
octobre arrive et les feuilles tombent à peine
j'ai commencé la fac il y a un mois
je l'ai rencontré il y a trois semaines
et il est dans mes bras, à me dire je t'aime
tout va si vite mais tout va si bien
le calme règne
il suffit qu'il prenne une mèche de mes cheveux et je ne parle plus
il suffit qu'il me regarde avec ses yeux adorables
il suffit qu'il rie de ce rire qu'ont seulement les enfants
il suffit de ça pour que les je t'aime s'impriment sur le soleil levant
mon dieu, jeff
que se passe-t-il
l'univers a-t-il enfin vu le trou dans mon épaule
le trou dans ma main et dans mon cœur
l'univers a-t-il vu les égratignures d'enfance - celles qu'on préfère ignorer ?
comment a-t-il su, comment a-t-il vu
que cet homme était le bienvenu ?
