Chapitre 12

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Le soleil se lève sur Los Angeles avec la même chaleur étouffante qu'à son habitude. L'air est chargé d'une humidité constante, mais ce matin, l'atmosphère est particulièrement lourde, remplie d'attentes et d'espoirs. Les premières lueurs du jour caressent les palmiers, tandis que les rues s'animent avec une activité fébrile, signe que quelque chose de grand est sur le point de se produire.

Aujourd'hui, c'est le jour des finales du 100m nage libre, une épreuve emblématique, et tous les regards sont tournés vers Maxime. Dans les vestiaires, l'ambiance est tendue. Chaque nageur se prépare avec une concentration palpable, se fermant au monde extérieur, chacun dans sa bulle, visualisant la course à venir. Les tribunes sont déjà pleines, les spectateurs s'installent, impatients de voir ce que la journée leur réserve.

Maxime, habituellement si sûr de lui, semble légèrement différent ce matin. Il est toujours aussi concentré, mais quelque chose dans son attitude trahit une certaine nervosité. Peut-être est-ce l'enjeu de la finale ou la pression de toutes ces attentes posées sur ses épaules. Il échange à peine quelques mots avec ses coéquipiers, préférant se plonger dans ses pensées.

La piscine olympique scintille sous le soleil matinal, les lignes bleues et blanches ondulant doucement dans l'eau calme. Lorsque l'heure de la finale approche, le silence s'installe dans l'arène, seulement troublé par les murmures excités des spectateurs. Maxime monte sur le plot de départ, ses muscles tendus sous la pression du moment, prêt à donner le meilleur de lui-même.

Le signal de départ retentit, et en un instant, Maxime plonge dans l'eau avec une précision et une force impressionnantes. Il fend l'eau avec une technique impeccable, ses mouvements parfaitement coordonnés. Au départ, il semble dominer la course, mais au fur et à mesure que les mètres défilent, quelque chose semble se dérégler. Les autres nageurs commencent à le rattraper. Le duel devient de plus en plus serré.

À quelques mètres de l'arrivée, Maxime donne tout ce qu'il a, mais c'est insuffisant. Trois autres nageurs touchent le mur avant lui. Maxime termine quatrième. Juste hors du podium.

Le choc de la défaite est visible sur son visage lorsqu'il émerge de l'eau. Il évite le regard de ses coéquipiers, se dirigeant directement vers les vestiaires, une ombre planant sur lui. La quatrième place, la pire des positions pour un compétiteur comme lui. Ni médaille, ni reconnaissance, seulement le goût amer de l'échec.

Plus tard, lorsqu'il vient pour ses soins, la tension est palpable. Maxime entre dans la salle de kinésithérapie, ses traits tirés par la frustration. Son attitude est nettement différente de ces derniers jours. Il retrouve cette froideur, cette arrogance qui lui est familière, comme une armure pour dissimuler sa déception.

— Alors, tu vas encore me sortir tes grands discours aujourd'hui ? me lance-t-il d'un ton acéré, son regard me transperçant.

Je prends une profonde inspiration, m'efforçant de rester calme. Je sais que sa colère n'est pas vraiment dirigée contre moi, mais contre lui-même, contre cette quatrième place qui le ronge.

— Je suis là pour t'aider, pas pour te juger, dis-je, en essayant de garder ma voix aussi neutre que possible.

Il grogne, détournant les yeux, refusant de croiser mon regard. Son corps est tendu sous mes mains, comme s'il refusait de me laisser accéder à la moindre émotion, à la moindre faiblesse.

— Fais ton boulot et ne parle pas, crache-t-il, sa voix lourde de rancœur.

Je serre les dents, décidée à ne pas mordre à l'hameçon. Chaque mouvement que je fais est mesuré, précis, mais l'atmosphère est glaciale. Je peux sentir toute la colère et la déception bouillonner en lui, et malgré mon agacement, une pointe de compassion perce. Je sais ce que c'est que de se sentir déçu par soi-même, de voir ses efforts s'effondrer en un instant. Mais ce n'est pas le moment de le lui dire, pas maintenant.

Je continue mon travail en silence, laissant le temps faire son œuvre. Je termine la séance de kinésithérapie dans un silence tendu, chacun de mes gestes mesuré, chaque mot soigneusement retenu. Maxime reste allongé, les yeux fermés, respirant profondément, mais je sens bien que sa tête est ailleurs. Il est piégé dans cette spirale de frustration, et je préfère ne pas le forcer à parler.

Quand il se lève enfin de la table, il m'adresse un simple hochement de tête, sans un mot. Il se dirige vers la porte, l'air toujours aussi sombre, et je le regarde partir, un mélange de soulagement et d'inquiétude dans la poitrine.

Je m'appuie contre le mur une fois qu'il est sorti, exhalant lentement. C'était l'une des séances les plus éprouvantes que j'ai eu à faire avec lui. Son comportement est si contradictoire, un jour il est presque supportable, et le suivant, il devient ce bloc de glace que rien ne semble pouvoir ébranler.

Je soupire, mon esprit revenant à la conversation que j'ai eue avec Éléonor. Je me rappelle de ses mots, de son insistance sur le fait que la haine pouvait parfois masquer d'autres sentiments.

Je secoue la tête, comme pour chasser ces pensées. "Non, il est vraiment bipolaire," murmuré-je à moi-même. Je repense à la façon dont il a alterné entre la provocation et la froideur, à sa manière de me repousser un jour et de se montrer presque vulnérable le lendemain. C'est épuisant.

Il y a quelque chose en lui, quelque chose de plus profond que ce qu'il laisse voir. Mais je ne suis pas certaine d'avoir la patience, ou même l'envie, de découvrir ce que c'est. Il me désoriente, me fait douter, et en même temps, il m'exaspère. Je ne peux pas m'empêcher de me demander pourquoi il agit ainsi. Est-ce que c'est simplement la pression, la déception ? Ou est-ce qu'il y a quelque chose d'autre qui le pousse à se comporter de cette manière ?

Je ramasse mes affaires, décidée à ne pas laisser ces pensées m'envahir plus longtemps. Mais alors que je quitte la salle, je sens une pointe de curiosité naître en moi, une petite voix qui me souffle de ne pas encore abandonner, de creuser un peu plus. Après tout, peut-être qu'Éléonor avait raison sur un point : il y a quelque chose derrière cette façade qu'il montre au monde.

Au bord du bassin - Maxime GroussetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant