Dans la vie d'Azra, rien n'est facile. Son quotidien se voit brutalement perturbé par une série d'événements qu'elle n'aurait jamais pu anticiper et les nouvelles responsabilités qu'on lui administre du jour au lendemain ne la facilitent en rien.
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J'avais toujours été fascinée par les capacités du cerveau. Comment se faisait-il qu'il réussissait à se rappeler d'un moment de notre vie totalement infime et sans intérêt, ou alors très traumatisant, mais que les événements jugés comme importants pour nous, ne l'étaient pas pour lui.
On avait tous des instants-clés de sa vie que l'on aimerait ne jamais oublier ou, au contraire, totalement effacer de notre mémoire.
Personnellement, si on me l'avait permis, j'aurais aimé ne plus me souvenir du jour où Pilar m'avait annoncé la maladie de sa fille. Alycia n'avait que trois mois quand on l'avait diagnostiqué porteuse du syndrome de Prader-Willi et ma sœur s'était empressée de me demander tous les détails au sujet de cette pathologie génétique.
Étant en plein dans mes études de médecine, j'avais eu du mal à lui faire un résumé clair sans avoir besoin de chercher dans mes manuels de cours pour ne pas lui raconter n'importe quoi. Je ne l'avais jamais vu aussi inquiète que ce jour-là, à me tenir le bras comme si je détenais le remède clé pour soigner ma nièce.
Sauf qu'aucun traitement ne mettait un terme au syndrome de Prader-Willi, c'était une mutation génétique qui entraînaient une diminution de la tonicité musculaire ainsi que des pieds et des mains de plus petite taille par rapport à la normale. D'où le fait qu'à la naissance, Alycia avait déjà eu du mal à la succion et à la déglutition, ce qui perturbait sa courbe de poids jugée insuffisante par son pédiatre.
Au moment de mon choix de spécialité, ma mère m'avait demandé si la maladie d'Alycia avait pu m'influencer et même si je me persuadais que ce n'était pas le cas, une petite voix dans ma tête me contredisait fortement.
- Tata, on pourra regarder la fin du film ce soir ?
- Seulement si vous mangez tous vos légumes ce soir.
La grimace qui se dessinait progressivement sur le visage d'Isaac me fit ricaner alors que je passais une main dans ses cheveux pour le taquiner. Il était quasiment dix-neuf heures tandis que nous arpentions les rues calmes du quartier pour une petite balade de santé avant la douche, le repas et le coucher.
C'était une petite routine que l'on avait instauré tous les trois l'année dernière et elle semblait bien marcher pour ouvrir l'appétit. Même si ma mère m'avait donné quelques petits conseils pour élever correctement ses petits-enfants, je m'étais conditionnée moi-même à mon nouveau rôle et, sans prétention, je m'en sortais plutôt bien.
À la base, Isaac et Alycia auraient pu finir chez mes parents ou ceux de Loïc et Manuel - vu que de leur vivant, Pilar et Manu n'avaient pas donné d'indications quant aux directives à suivre après leur mort - mais j'étais celle qui habitait le plus à côté des écoles et des services où Alycia avait l'habitude d'être prise en charge. J'avais dû batailler avec la belle-famille de ma sœur pour qu'ils me laissent la garde et j'avais bien cru ne jamais réussir à l'obtenir.
