Chapitre 37

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Kara

Je jette un coup d'œil que j'espère discret à mon portable, vérifiant pour la vingtième fois au moins si je n'ai pas reçu de message. Rien.

Je relève la tête, les enfants sont en train de réaliser un dessin sur le thème de la famille et Nia passe entre les tables pour vérifier leur progression. Nos regards se croisent et elle m'adresse un petit signe de tête indiquant que tout va bien.

Je tente de me convaincre que l'absence de message de la part de Lena est normale avec le supplément de travail lié au voyage de Sam. Malgré tout, je ne peux m'empêcher de m'inquiéter avant de me moquer gentiment de moi. Je suis définitivement accro à cette femme comme jamais je ne l'ai été.

La pendule indique 15 h 40, je décide donc de stopper l'activité en cours afin que les enfants aient le temps de se nettoyer un peu. Ce qui, à en juger par l'état de certains, ne sera pas du luxe.

Après les avoir accompagnés aux lavabos et leur avoir fait ranger leurs affaires, je leur propose de choisir chacun un livre afin de patienter ce qui entraîne un joyeux désordre, les enfants se précipitant tous en même temps vers la bibliothèque de la classe.

– Les enfants ? Qu'est-ce qu'on a déjà dit ? Dans le calme s'il vous plaît.

J'ai à peine haussé le ton mais cela suffit à rétablir l'ordre et chacun revient à sa place, un livre à la main.

Quand la sonnerie retentit quelques minutes plus tard, ils vont tous reposer leurs livres dans le calme et après que nous ayons vérifié que chacun est bien couvert, nous nous dirigeons vers la sortie.

Au moment de laisser Ruby et Adam rejoindre Térésa, ce dernier se tourne vers moi et me fait signe de me pencher.

– Tu viens à la maison ce soir ?

Je lui confirme d'un signe de tête et il rejoint sa nounou, un large sourire sur le visage.

Je regagne l'intérieur du bâtiment après le départ du dernier enfant afin de récupérer mes affaires. J'y croise Leslie qui m'adresse un large sourire. Depuis que j'ai mis les choses au clair avec elle, elle m'évite la plupart du temps. Mais je surprends parfois des regards peu amènes envers moi. Son attitude me surprend donc. Et je suis d'autant plus surprise quand elle me lance :

– Bon week-end Kara. J'espère que tu vas bien en profiter.

Décontenancée, je mets quelques secondes à réagir et à lui répondre.

– Euh, merci ? Toi aussi.

Elle ne me répond pas et poursuit sa route, me laissant encore plus perplexe. Mais j'ai d'autres préoccupations et je décide donc d'ignorer cette bizarrerie. Je n'ai pas le temps pour ça. Je passe à mon bureau pour récupérer mes affaires et quitte l'établissement.

En sortant, je salue Max, le surveillant de l'école. C'est un ancien policier d'une cinquantaine d'années. Il avait été blessé en service et sa hiérarchie avait voulu le caser dans un bureau. Après six mois, il avait présenté sa démission et avait fini par trouver ce poste. Tous les enfants l'adorent et il le leur rend bien.

– Bon week-end mademoiselle Kara. J'ai ouvert l'oeil et tout à l'air calme ce soir.

La veille, en quittant les lieux, j'ai eu la désagréable sensation qu'on m'observait. J'avais rebroussé chemin et je lui avais parlé de mes inquiétudes. Il avait profité de l'arrivée de son collègue qui assurait la garde de nuit pour me raccompagner jusque chez moi pour me rassurer.

– Merci max. Bon week-end à vous aussi !

Je le salue de la main et m'empresse de rejoindre mon appartement. Je dois simplement y déposer mon sac et récupérer mes affaires pour le week-end. Je grimpe les marches quatre à quatre jusqu'à mon palier. Après être entrée, je prends quelques minutes pour caresser Streaky et m'excuser de l'abandonner une nouvelle fois. Je vérifie mon portable : toujours pas de nouvelles de Lena. Ce silence commence à devenir étrange. Depuis que nous sommes devenues amies, il ne s'est pas passé une journée sans que nous échangions des messages. Et ça s'est intensifié depuis que nous sommes en couple. Une inquiétude sourde commence à monter en moi. Une sorte de mauvais pressentiment. Et s'il lui était arrivé quelque chose ? Cette idée me fait frémir et je m'apprête à me précipiter pour la rejoindre quand on frappe à la porte. Qui que soit la personne, je compte bien l'expédier au plus vite.

J'ouvre la porte en grand et ai la surprise de découvrir ma petite amie face à moi. Je reste immobile une seconde, le temps de me remettre du choc.

– Chérie ? Je te manquais trop ? Tu étais impatiente de me voir ?

Elle ne répond pas. Je remarque alors un détail étrange : elle a le visage fermé et un regard glacial. Le même qu'elle arborait quand elle était entrée dans ma classe le jour de la réunion que j'avais organisée.

– Lee ? Qu'est-ce qui se passe ?

Je commence à m'approcher pour la prendre dans mes bras mais elle me repousse brutalement. Je recule de quelques pas, surprise par cette violence soudaine et inhabituelle qui me rappelle de bien mauvais souvenirs.

– Chérie, explique-moi ce qui t'arrive. Je m'inquiète...

– C'est bon, tu peux arrêter ta comédie. Tu as eu ce que tu voulais !

Sa voix est encore plus glaciale que son regard et je sens une boule se former dans mon estomac.

– Je... je ne comprends pas. De quoi tu parles ?

– Oh arrête de me prendre pour une idiote Kara. Je sais que je l'ai été pendant un moment mais ça y est, j'ai ouvert les yeux. Un peu trop tard certes.

– Ouvert les yeux sur quoi enfin ? Je comprends rien à ce que tu racontes.

– Comme tu as dû rire quand tu as monté ce plan ! Faire croire à une Luthor qu'une Zor-El pouvait tomber amoureuse d'elle ! Et tes parents ils étaient dans le coup ? Vous faites une sacrée famille d'acteurs en tous cas. Tu as choisi cette école exprès ou bien c'est en découvrant qu'Adam était un de tes élèves que l'idée t'est venue ?

– Mais enfin de quoi tu parles ? Quel plan ? Et pourquoi faire croire ? Je suis amoureuse de...

– Tais-toi ! hurle-t-elle. Je sais tout !

Elle me jette à la figure un dossier qu'elle tenait en main et que je n'avais pas remarqué. Des coupures de presse s'éparpillent un peu partout. Je me penche pour en saisir une et ce que je découvre me glace d'horreur. Le titre de l'article est sans équivoque : "Le visage de Lena Luthor enfin connu ! Sa tendre histoire d'amour avec une jeune maîtresse d'école." En dessous, une photo de nous prise au fast-food. J'ai ma main sur sa joue et nous nous sourions, seules au monde.

– Comment as-tu pu faire ça ? T'en prendre à moi, je peux l'accepter. Mais mêler mon fils à tes magouilles ? L'exposer ?

Je reste immobile et silencieuse. C'est un cauchemar, c'est obligé. Tout ça ne peut pas arriver. Je remarque alors une seconde photo, plus petite en dessous de l'article et sur laquelle on voit Adam se jetant au cou de sa mère.

Ses photos, je les connais. C'est moi qui les ai prises. Mais comment peuvent-elles se retrouver en une d'un journal ?

Je relève les yeux et bascule en arrière lorsque je croise son regard. Si quelques instants plus tôt, il était glacial, il semble désormais être animé d'un brasier digne des flammes de l'enfer.

– Lena, je t'assure que je n'ai pas...

– Menteuse ! Depuis le début tu n'as fait que ça : mentir !

Par réflexe, je place mes mains devant mon visage, attendant un coup qui ne vient pas. Quand j'ose relever la tête, je crois voir passer une lueur coupable dans son regard, mais elle disparaît si vite que je doute qu'elle ait existé ailleurs que dans ma tête.

– Je ne veux plus jamais que tu t'approches de moi. Je ne change pas Adam d'école pour ne pas le perturber plus. Mais si j'apprends que tu lui as parlé pour autre chose que les cours, ou si tu tentes de me contacter, je peux t'assurer que je ferai de ta vie un enfer tel que ce que t'a fait subir Cat ressemblera à une lune de miel à côté.

Elle n'ajoute rien de plus mais le dernier regard qu'elle m'adresse me glace. Je n'y lis que de la haine. J'entends ses talons claquer sur les marches de plus en plus faiblement, jusqu'à disparaître totalement.

Je reste là, prostrée sur le pas de la porte de mon appartement, entourée de toutes ses coupures de presse.

Après un temps impossible à évaluer, Streaky me sort de ma transe en venant se frotter à moi. Je ramasse les feuilles éparses et tant bien que mal, je pénètre à l'intérieur. Mais aussitôt la porte refermée, je m'effondre à nouveau et cette fois, je ne fais rien pour retenir mes larmes. Les paroles d'Alex quelques jours plus tôt me reviennent en tête : Oui, Lena tenait ma vie entre ses mains. Et elle venait de la réduire en cendres...

Le poids du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant