33 - A la porte

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La sonnette du manoir retentit fortement dans tout le bâtiment. Rébecca l'entend, mais ne réagit pas. Allongée sur son lit, Calou roulé en boule contre elle, la jeune fille scrolle sur son téléphone sans vraiment voir ce qui défile devant ses yeux cernés.

Elle ne réagit pas non plus lorsqu'on toque à sa porte, mais finit par lever les yeux pour voir Matteo pénétrer dans son antre. Elle ne peut pas empêcher son cœur de faire un bon à chaque fois qu'elle voit le garçon. Il vit chez ses parents depuis plus de huit mois maintenant, et il ressemble tellement à son grand frère !

Matteo vient d'avoir seize ans ; il a perdu sa voie en mue, les joues rebondies et l'acné de son adolescence. La ressemblance est de jour en jour plus frappante.

Si on s'attarde plus longuement, on remarque un nez plus fin que celui de Flavio, des pommettes légèrement plus hautes, des cheveux un peu plus clairs, un regard tirant davantage sur le vert. Et une lueur plus triste qui s'y glisse régulièrement, malgré le sourire aux dents blanches qu'il arbore pour le moment.

― Il y a quelqu'un pour toi à la porte, annonce-t-il avec une moue mystérieuse.

Rébecca lève un sourcil interrogateur, puis elle comprend soudain et sort brusquement de sa torpeur. Elle bondit sur ses pieds en propulsant le pauvre Calou qui proteste d'un miaulement plaintif, et sort en courant de sa chambre en bousculant sans ménagement le garçon. Celui-ci tente de lui faire savoir qu'elle n'est pas très présentable, mais elle ne l'entend pas. Les escaliers sont dévalés quatre à quatre ; la jeune fille déboule dans l'entrée et ouvre la porte à la volée pour se retrouver nez à nez avec Flavio.

Le jeune homme a les cheveux ébouriffés, la mine pâle et la barbe mal rasée. Il ouvre grand les yeux devant la brusque apparition de Rébecca, également échevelée, aux traits fatigués, et les habits mal ajustés. Il a deux papiers dans les mains, qu'il tend devant lui en restant silencieux. La jeune fille reconnait sa dernière lettre dans laquelle elle lui avoue son amour. L'autre papier est couvert d'une écriture qu'elle ne connaît pas : c'est signé de Max.

Elle ne cherche pas à comprendre, elle veut juste savoir. Il ne lui a toujours pas répondu, et a visiblement du mal à trouver ses mots.

― Je ne comprends pas... commence-t-il d'une voix atone.

Rébecca réagit au quart de tour :

― Quoi ? C'est moi qui ne comprends pas !

― Tu as dit avoir trouvé un compagnon... continue-t-il sur le même ton.

La jeune fille fronce les sourcils en cherchant rapidement de quoi il parle, puis se souvient d'avoir écrit quelque chose du genre dans une de ses lettres.

― Mais... tu veux parler de Pastis ?

― Pass-qui... ?

Sans répondre, la jeune fille se retourne et appelle le dénommé Pastis qui répond du fond du salon avec un drôle de ton :

― Pastis arrrrriiiive !

Et dans les cinq secondes qui suivent, un grand oiseau de couleur jaune vient se poser sur l'épaule de Rébecca. Sortant de son gros bec crochu, la voix étrange retentit de nouveau en roulant les "r" :

― Pastis arrrriiive !

Flavio n'en croit pas ses yeux. Il ouvre la bouche, mais aucun son n'en sort. C'est donc lui, le nouveau compagnon de Rébecca ? Il se sent tellement bête que les mots restent coincés dans sa gorge.

― Bien le bonjourrrrr ! continue le perroquet poli.

― Flavio, voici Pastis, murmure la jeune fille en regardant ses pieds.

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