Une tour et des réponses

30 - Retour au château

Dans la voiture de police, le silence règne depuis plusieurs minutes. Seule la voix féminine du GPS retentit de temps en temps pour éviter à Maxime de se tromper de route.

Rébecca et Flavio sont toujours à l'arrière, mais la jeune fille est tout à fait réveillée maintenant. Ils ont eu le temps de se reposer un peu au poste de police, puis sont repartis tous les trois, avec une autorisation exceptionnelle pour Flavio, dont Maxime a garanti la bonne foi à son supérieur.

Le regard anxieux de la jeune fille fixe le paysage qui défile, mais elle ne le voit pas ; elle se ronge un ongle et sa jambe tressaute de nervosité.

Une de ses mains est enfouie dans celle de son voisin qui ne sait pas quoi faire de plus pour la rassurer.

Que peut-il lui dire, alors qu'elle va rencontrer ses parents qu'elle n'a pas vus depuis quinze ans ? Des parents qui ne l'attendaient sûrement plus et qui ne la reconnaîtront peut-être même pas ? Des parents qu'elle a oubliés et effacés de samémoire à cause de cette folle de Gaétane...

Il lui a bien répété plusieurs fois que tout allait bien se passer, mais à quoi bon ? Il se sent totalement inutile et culpabilise de ne pas trouver les mots. Il ne peut que serrer cette main qui tremble, et sourire, pour montrer son soutien.

Soudain, Rébecca sursaute et lâche sa main pour la poser contre la vitre qu'elle fait descendre dans la seconde qui suit.

Ils sont en train de traverser une partie de la ville que Flavio connait bien, pour y avoir fait quelques acrobaties illégales la veille au matin. Et ce que la jeune fille regarde, c'est l'immense tour de verre qui dépasse des autres bâtiments.

L'entreprise de ses parents. Le laboratoire de Gaétane. Cette tour qui l'a tant marquée lorsqu'elle l'a revue pour la première fois sur le panneau publicitaire. Celle qu'elle n'avait pas vue depuis ses quatre ans, juste avant l'accident.

Maxime a dû remarquer son comportement dans le rétroviseur, car il ralentit et commente :

― Le site a été fermé temporairement, mais le travail devrait reprendre assez rapidement. Sans le laboratoire secret, bien sûr. Et sans toutes les personnes qui ont participé aux expériences illégales.

Rébecca ne répond pas. Elle contemple le portail qu'elle voit au loin, orné du logo de l'entreprise : le colibri vert sur fond doré. Les images du passé sont plus nettes maintenant, grâce à son rêve et aux révélations de Gaétane. C'est un mélange sans nom d'émotions qui se bousculent dans son cœur blessé : soulagement, amertume, excitation, crainte, joie...

Bientôt, l'usine est loin derrière eux et ils sortent de la ville pour rejoindre des routes de campagne. Encore une fois, Maxime prend la parole :

― J'ai appelé tes parents avant de partir, Rébecca. Ils auront eu le temps de se remettre un peu de leur choc. Mais on va y aller doucement quand même. J'irai en premier pour leur expliquer un minimum, puis tu viendras ensuite avec Flavio, d'accord ?

La jeune fille croise le regard du Lieutenant dans le rétroviseur et lui fait signe qu'elle a compris, alors qu'il annonce :

― On y est.

En effet, il vient de pénétrer sur un chemin gravillonné bordé d'une rangée d'arbres majestueux. Quelques mètres plus loin, ils arrivent dans une cour avec un îlot central fleuri et des massifs tous parfaitement entretenus, plus beaux les uns que les autres. Rébecca se souvient que Gaétane a parlé d'un château. Ce n'en est pas un, mais on n'est pas loin. La bâtisse en pierres blanchies a tout d'un grand manoir, avec un double escalier orné de grosses colonnes, menant à une porte d'entrée imposante, une tour sur le côté droit, et une véranda sur la gauche.