16 - La Mère Gaétane

48 7 44
                                    

Dans la forêt, les oiseaux qui gazouillaient sous un soleil radieux à son zénith se taisent soudain. Une silhouette s'approche et les fait fuir dans un froufrou d'ailes et un cri d'alarme.

Il ne s'agit visiblement pas d'un promeneur venu admirer ce décors sauvage et bucolique.

La jupe droite fendue de couleur noire n'aide pas la progression de la femme qui marche d'un pas décidé vers une destination visiblement connue. Ses talons aiguille s'enfoncent dans l'humus qui tapisse le sol, menaçant à chaque pas ses chevilles d'une torsion malvenue. Un juron sort de ses belles lèvres teintées du même rouge écarlate que ses ongles : rien ne vaut le bitume bien dur et bien lisse de la ville !

D'habitude, elle n'a pas autant de mal à traverser la forêt. Mais aujourd'hui n'est pas un jour comme les autres. La contrariété se lit sur son visage. Plus que cela, ses gestes saccadés laissent deviner qu'une colère mal contrôlée gronde en elle.

Gaétane Ponce passe une très mauvaise journée. Pour commencer, sa fille lui fait un de ses caprices pour sortir, ce qui l'oblige à élever la voix et à prendre sur elle pour rester calme et ne pas la brusquer.

Ensuite, elle apprend qu'un cambriolage a eu lieu sur son lieu de travail. Non seulement la police n'a pas attrapé le voleur, mais en plus, celui-ci est vraisemblablement parti avec des données de la plus haute importance...

En tant que PDG de l'entreprise, Gaétane a dû mettre en place une procédure de vérification poussée auprès de tout le personnel, afin de trouver le traitre qui aurait fait circuler des informations confidentielles. Un travail titanesque qui, en plus de cette fuite de données, pourrait faire vraiment mal à l'entreprise et à ses projets en cours.

La femme s'arrête devant la petite maison dans laquelle sa fille vit depuis son enfance. Il faut qu'elle se calme, qu'elle fasse comme si de rien n'était, et qu'elle trouve une excuse pour ne pas être allée chercher son cadeau d'anniversaire. Elle recoiffe rapidement ses longues boucles brunes en un chignon lâche et respire méthodiquement pour apaiser sa colère.

Un lieutenant de police lui a rendu visite dans la matinée, lui expliquant qu'ils connaissaient le coupable et qu'ils feraient tout pour l'arrêter. Mais des bruits sont rapidement parvenus à la PDG comme quoi le personnage en question était en cavale depuis plusieurs années sans que la police n'ait pu l'arrêter. C'est pourquoi elle a décidé d'agir par elle-même le plus vite possible.

Car elle dispose d'une arme que la police n'a pas. Une arme dont elle se sert régulièrement et qui va, encore une fois, l'aider à parvenir à ses fins.

La super-vision de Rébecca va lui permettre d'en savoir plus sur le voleur dont les images ont été capturées par une caméra de sécurité. Une seule. Celle des sanitaires, les autres ayant été habilement piratées. Elle a également des images de la rue et du fourgon, qui pourraient servir. Ça ne devrait pas être compliqué, c'est devenu une routine, maintenant.

Son rôle à elle maintenant : être calme. Sourire. Dire des mots doux, caresser les cheveux de sa fille.

― C'est moi, ma chérie ! lance-t-elle d'un ton enjoué en ouvrant la porte. Je suis rentrée plus tôt !

Comme le silence lui répond, elle s'avance et découvre la pièce principale vide. A part le gâteau d'anniversaire qui n'a pas été entamé, rien ne semble anormal. Sa fille doit être dans la salle de bain.

Elle va y toquer en plaquant un sourire sur son visage :

― Tu es là, ma puce ?

Toujours pas de réponse. Gaétane tourne la poignée. Sur le pas de la porte, elle se fige soudain, son visage blêmit et son sourire disparaît.

Au centre de la petite pièce d'eau, la commode a été déplacée, une chaise y a été posée, juste au-dessous de la trappe du grenier ouverte.

― Non !

L'exclamation n'est sortie que dans un souffle : le choc est immense.

Les mains tremblantes, la jeune femme se précipite vers les meubles pour les escalader à son tour. Dans un espoir très faible, elle veut vérifier que sa fille n'est pas là-haut, juste au-dessus d'elle, dans le grenier. Peut-être y a-t-elle seulement trouvé des choses intéressantes pour s'occuper ?

Elle abandonne ses escarpins, mais manque de tomber à cause de sa jupe droite qui se déchire au passage.

Le grenier est vide, la fenêtre ouverte, et les draps flottent au vent, tels des voiles d'un bateau menant à la liberté.

― Ce n'est pas possible ! Ce n'est pas possible ! répète Gaétane, hébétée.

Jamais Rébecca n'aurait eu cette idée. Jamais SA Rébecca ne serait partie de son plein gré. Impossible. A moins que... ?

Manquant de se tordre le cou, Gaétane redescend précipitamment dans la salle de bain et se met à fouiller fébrilement la maison. Elle ne sait pas vraiment ce qu'elle cherche. Un indice qui la mette sur la voie : quelqu'un ou quelque chose est forcément intervenu...

Elle finit par poser la main sur un sac noir qu'elle ne connaît pas. Elle l'ouvre précipitamment et en répand le contenu sur le sol.

Une corde, un baudrier, un canif et quelques outils, et enfin un bout de papier. De ses doigts tremblants, elle le déplie. Un hoquet de stupéfaction la fait lâcher la feuille comme si elle s'était brûlée.

Pétrifiée, son regard se pose de nouveau sur le papier qui est tombé ouvert au sol. Une carte qui ressemble à un labyrinthe, et quelques mots griffonnés sur le côté : « Opération Oiseau Vert »

― Ce n'est pas possible, répète-t-elle encore dans un souffle.

Pourtant, toutes les pièces du puzzle s'emboitent : le matériel d'escalade, le plan des canalisations d'un bâtiment, et surtout, le nom de l'opération.

De nombreuses questions demeurent pourtant : qui est ce voleur ? Comment a-t-il trouvé la maison ? A-t-il montré les informations volées à Rébecca ? Ont-ils compris ce que cela impliquait pour elle ? Sont-ils partis à la recherche de son passé ?

Si c'est le cas, Gaétane est perdue. Tout marchait pourtant si bien jusque-là. Serait-ce la fin ? Elle n'ose y penser. Et si la police était mise au courant... Devrait-elle fuir ? Tout lâcher ? Tout abandonner ? Après tant d'années et si près du but ?

Gaétane est une femme forte. Après quelques minutes d'abattement, affalée au sol, elle se reprend et se relève. Non, tout n'est pas fini. Pas tant qu'elle n'aura pas plus d'informations sur la fugue de Rébecca et sur ce qu'elle sait. Et aussi ce qu'ils ont fait des données.

Le désespoir laisse peu à peu place à une détermination farouche. La colère, la rage, reprennent le devant. La jeune femme n'en est pas à son premier obstacle à franchir. Celui-ci est particulièrement haut, elle en est consciente, mais elle a confiance en ses capacités.

D'un geste déterminé, elle défroisse sa jupe déchirée, enfile ses escarpins et refait son chignon malmené par l'escalade. Elle va trouver une solution, comme toujours.

Pas question de se laisser faire par cette fille écervelée qu'elle supporte depuis toutes ces années. Il est temps de passer à une méthode différente ; si nécessaire par la force. Ou continuer à la mener par le bout du nez, comme elle sait si bien le faire. Aucune raison pour que cela ne fonctionne plus : Rébecca n'en a toujours vu que du feu. Gaétane est maîtresse en la matière de manipulation, elle le sait.

Les yeux fardés se plissent, les lèvres rouges se tendent en un nouveau rictus : satisfait, sournois, cruel.

💄💄💄💄💄💄💄💄💄💄💄💄💄💄💄💄💄

Bon, voilà notre Mère Gothel dans toute sa splendeur... Vous en pensez quoi ? 😬😏

Rendez-vous pour la suite très vite ! 😊

Attention spoil : confrontation entre Flavio et Maxime en vue ! 😱😅

Une tour et des réponsesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant