25 - Pièces de puzzle

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Rébecca est debout devant un portail immense. Elle doit lever les yeux pour en voir le haut, il est gigantesque. A moins que ce soit elle qui est petite ? Elle contemple l'oiseau vert sur fond doré qui s'y trouve. C'est un colibri en vol. Elle le trouve joli, elle voudrait le toucher, mais quand elle approche sa main, le portail se transforme en miroir.

Surprise, elle regarde son reflet dont les yeux, très vite, bien que gardant la même couleur, changent légèrement de forme. Ses cheveux deviennent également plus foncés. Avec quelques rides au bord des yeux, on dirait une version d'elle en plus âgée.

Dans le miroir, il y a un homme derrière elle. Instinctivement, elle se retourne pour vérifier qu'il est bien là, mais il n'y a personne. Il est seulement dans le reflet. Dépassant d'une tête la version plus vieille de Rébecca, l'homme à la chevelure grisonnante sur les tempes et à la barbe bien taillée pose son menton sur ses cheveux et lui sourit tendrement, les mains sur ses épaules. Enfin, sur les épaules de la femme qui lui ressemble, dans le miroir.

Une grande tendresse remplit le cœur de la jeune fille devant ces deux regards si doux. Mais, brusquement, l'homme disparaît et la femme est remplacée par une autre : avec de longues boucles brunes et des yeux sombres. Gaétane la contemple maintenant, avec un regard aimant également, mais quelque chose dans ses yeux met Rébecca mal à l'aise.

― Viens, dis alors sa mère. Reste avec moi, je vais te protéger.

La jeune fille, attirée malgré elle, prend la main tendue et pénètre dans le miroir. Mais ce n'est plus un miroir. C'est une porte.

Une grande porte qui est sur le point de se fermer.

« Fermeture automatique de toutes les issues ! » entend Rébecca. Cette voix robotique lui vrille l'estomac. Sa mère a disparu, elle se sent perdue. Des lumières rouges clignotent autour d'elle, une grande lueur verte l'aveugle, un fracas énorme retentit.

Puis c'est le silence. Tout est blanc. Un « bip bip » régulier la berce, accompagné d'un léger bruit d'eau qui coule.

Elle entend des voix :

― Pourquoi elle est dans cet état ? Est-ce qu'elle va bien ?

― Je crois qu'elle s'est endormie.

― C'est quoi le problème avec ce panneau ?

― Si je le savais...

Rébecca ne voit toujours rien, elle est incapable de bouger. Ce sont les voix de Flavio et Maxime. Elle voudrait les rassurer et leur dire qu'elle va bien, mais aucun son ne sort de sa bouche.

― Tu sais que des choses pas nettes s'y passent ? continue la voix de Flavio.

― Comment ça ? A part la disparition de la fille des gérants, il y a presque quinze ans maintenant, je n'ai rien entendu depuis...

― Quoi ? Qu'est-ce que tu racontes ?

― Je n'étais pas là, évidemment, mais je me suis intéressé au dossier au tout début de ma carrière. On m'avait refilé tout un tas d'affaires de disparitions non résolues pour me faire la main, dont celle-ci. Et toi, de quoi tu parles ?

Rébecca n'entend pas la réponse. Ses deux amis sont partis. Elle est allongée toute seule, sur le talus devant le château, et contemple les étoiles. Le ciel laisse brusquement place à un plafond blanc, puis celui-ci disparaît aussi vite qu'il est apparu. Elle ne comprend pas tout de suite ce qu'elle regarde.

Au-dessus d'elle, dans le vide, un lit et des personnes qui s'affairent autour. Est-ce qu'ils volent ?

― Maman, c'est qui la dame qui vient vous voir tous les jours ? fait la voix d'une petite fille.

Une tour et des réponsesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant