𝟏𝟏 ¦ 𝐑𝐈𝐄𝐍 𝐃'𝐒𝐏𝐄́𝐂𝐈𝐀𝐋

31 16 12
                                    

     Fidèle à lui-même, Jean s'allongea de tout son long sur un banc. Marco s'installa au sol, en tailleur. Il commençait tout juste à assimiler les habitudes de son nouvel ami. Jean passait le plus clair de son temps libre à somnoler. En réalité, il ne dormait jamais vraiment. Mais il fermait néanmoins les yeux, comme pour se couper du monde.

     — Je peux te poser une question un peu... un peu personnelle ?

     Jean acquiesça. C'était l'heure de la récréation. Il n'avait rien contre un brin de conversation.

     — Pourquoi tu sembles si mal à l'aise au contact des autres élèves ?

     — Ma parole, t'as vraiment le don pour mettre les pieds dans le plat.

     Marco afficha un air désolé. Mais Jean ne s'en formalisa pas plus que ça. Il poursuivit :

     — Je ne suis pas quelqu'un de très sociable. Ce n'est pas que je n'aime pas les gens, exception faite de certain·e·s. Mais la plupart d'entre elleux me fatiguent au plus haut point.

     — C'est quand même curieux, pour quelqu'un d'aussi populaire que toi, fit remarquer Marco.

     — C'est bien là le problème, soupira Jean. Je n'ai jamais demandé à être populaire. Et je n'ai rien fait de particulier pour le devenir, crois-moi. Tout ça ne serait jamais arrivé si j'étais resté dans mon coin. Mais que veux-tu ? J'ai eu le malheur de fourrer mon nez dans les affaires des autres. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que je me suis fait remarquer en beauté.

     Marco inclina légèrement sa tête, l'air intrigué. Ses lunettes glissèrent un peu sur son nez.

     — Que s'est-il passé, exactement ? Enfin, ajouta-t-il précipitamment, tu n'es pas obligé de m'en parler si tu ne veux pas aborder ce sujet avec moi. Je ne t'en voudrais pas.

     — Ça ne me dérange pas, assura Jean. De toute façon, tout le monde est au courant de cet incident. C'est bien pour cette raison qu'iels ne me lâchent pas la grappe.

     Le jeune homme chercha une position un peu plus confortable avant de reprendre, les yeux à demi-clos.

     — Il y avait cette fille, l'année dernière. Elle était souvent seule. Je crois qu'elle n'avait pas beaucoup d'ami·e·s. Et il lui arrivait tout le temps des trucs étranges. Elle trébuchait dans les couloirs. Il lui manquait des mèches de cheveux. Ses lunettes n'arrêtaient pas de se casser.

     » C'était évidement l'oeuvre de Reiner et de sa clique, grommela Jean. Iels se gardaient bien de faire ça devant tout le monde. Mais on savait tou·te·s qu'il se passait quelque chose de louche. Et personne ne disait rien. Moi y compris. Jusqu'au jour où Reiner a fait quelque chose de vraiment horrible, juste sous mon nez. Il a poussée cette fille du haut des escaliers.

     » Il a pété les plombs, va savoir pourquoi. Par miracle, la fille s'est rattrapée juste à temps. Mais elle était tellement secouée qu'elle est tombée dans les pommes. Je l'ai rattrapée avant qu'elle ne s'explose la tête contre une marche, et j'ai hurlé pour qu'on aille chercher l'infirmière. Reiner en a profité pour se faire la malle, bien sûr. Mais je n'ai pas lâché cette fille avant qu'elle ouvre les yeux.

     » Le lendemain, j'ai été pris d'assaut par une foule de curieux·ses. Des rumeurs avaient déjà fait le tour du bahut. Tout le monde racontait comment j'étais venu au secours d'une pauvre fille qui s'était évanouie. J'étais devenu une vraie star, ricana-t-il. Alors que la veille, iels s'accordaient tou·te·s pour dire que j'étais un mec ennuyant à mourir.

     » Personne ne sait ce qu'il s'est vraiment passé ce jour-là. Des rumeurs ont couru sur le harcèlement dont elle était victime. Mais le nom de Reiner n'a jamais été cité. La fille a changé de lycée. Elle n'a pas voulu dénoncer ce que sa clique lui faisait subir au quotidien. Et je n'ai jamais parlé de cet incident. Tout le monde sait que Reiner prend plaisir à tourmenter les plus démuni·e·s. Mais pousser quelqu'un·e dans les escaliers ? C'est très grave. Et je n'ai aucune preuve.

     » Ce qui me fait le plus chier dans cette histoire, c'est que ces fichues rumeurs m'ont fait passer pour un mec que je ne suis pas. Je n'ai rien d'un chevalier épris de justice. Je ne suis même pas une bonne personne. Je ne me serais jamais interposé entre Reiner et cette fille s'il n'avait pas eu la mauvaise idée d'agir devant moi. Je serais resté silencieux, comme tout le monde. Ça me débecte qu'on chante mes louanges alors que je n'ai absolument rien fait pour le mériter.

     La sonnerie coupa court à la récréation. Sans un mot de plus, Jean se leva. Et Marco le suivit.

NOTE DE LYAmes salutations, camarades

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

NOTE DE LYA
mes salutations, camarades.

Jean be like : « J'ai une histoire. J'ai un background. » J'ai bien conscience qu'il est un peu mélodramatique pour pas grand chose, finalement, mais c'est aussi ça de jouer sur le cliché !

𝐋'𝐎𝐌𝐁𝐑𝐄 𝐄𝐓 𝐋𝐄 𝐑𝐄𝐅𝐋𝐄𝐓Où les histoires vivent. Découvrez maintenant