Jean montait les marches quatre à quatre. Il avait une petite idée sur l'endroit qu'avait pu choisir Reiner pour discuter avec Marco. Le palier du huitième étage. Celui de droite permettait effectivement d'accéder au dernier étage du bahut. Il n'y avait là que des locaux réservés aux enseignant·e·s Mais celui du gauche était muré depuis des années.
C'était un cul-de-sac. Personne ne s'y rendait jamais. Alors Reiner se l'appropriait parfois pour ses petites séances de bizutage. C'était d'ailleurs là-bas que Jean l'avait surpris, un an plus tôt, en train de pousser une fille dans les escaliers. Bien qu'isolé, l'endroit n'était pas des plus discrets. Reiner ne s'y rendait que pour des occasions précises. Lorsqu'il était particulièrement énervé.
Depuis ce fameux incident, Jean évitait le palier du huitième étage comme la peste. Il faisait même exprès d'emprunter l'escalier de droite plutôt que celui de gauche. Histoire de ne jamais retomber sur une scène pareille. Reiner lui faisait peur, à lui aussi. L'année dernière, Jean avait malgré lui attiré son attention en s'interposant. N'importe qui d'autre en aurait subit les conséquences. Mais Jean était devenu intouchable. Il ne devait son salut qu'à sa nouvelle popularité.
Reiner ne s'en prenait qu'aux élèves isolé·e·s. Des vilains petits canards qui ne rentraient pas tout à fait dans le moule. Jean faisait initialement partie de cette catégorie. Il avait conscience d'être moins vulnérable maintenant qu'il se trouvait sous les projecteurs. Pourtant, il n'avait jamais songé à utiliser sa popularité comme un bouclier pour d'autres que lui. Jusqu'à Marco.
Jean s'était imaginé qu'il pouvait le protéger. Il avait bêtement pensé que sa simple présence à ses côtés suffirait à le tenir hors de danger. Il était pourtant évident que Reiner profiterait de la moindre occasion donnée. L'attitude de Jean avait peut-être même été contre-productive. Il craignait soudain d'avoir peint une cible encore plus grande dans le dos de son ami. Depuis un an, Reiner nourrissait une rancune à son égard qu'il ne pouvait pas assouvir. S'en prendre à Marco, c'était atteindre Jean par ricochet.
Jean arriva au palier gauche du huitième étage, la boule au ventre. Il était à bout de souffle. Son cerveau bouillonnait sous l'effet des connexions neuronales. Et puis, soudain, tout se tut. Les milles et une pensées qui martelaient son crâne disparurent. Son rythme cardiaque commença à ralentir. Son corps se figea. Ses yeux s'écarquillèrent. Ses sourcils se froncèrent. Jean resta là, interdit, perplexe, pantois. Il ne comprenait pas ce qu'il voyait.
Face à lui, Marco se trouvait bien en compagnie de Reiner. Jusque là, rien d'étonnant. Leur position, en revanche, était bien loin de la scène qu'avait pu imaginer Jean. Durant son ascension, il avait redouté de retrouver Marco blessé, en proie à des brimades, des coups, ou pire encore. Il avait imaginé le sourire mauvais de Reiner, prennant plaisir dans la souffrance et le désespoir de son ami. Alors pourquoi les rôles semblaient-ils inversés ?
Reiner était à terre. Le colosse apparaissait comme vaincu, humilié, brisé. Ses genoux reposaient sur le sol poussiéreux. Il avait les lèvres pincées et le regard incrédule. C'était le visage d'un homme découvrant, avec une réelle confusion, qu'il existait plus fort que lui. Son ahurissement était d'autant plus grand que Marco se trouvait être celui qui se tenait encore debout devant lui. Il gardait la trace rougie d'une gifle sur la joue. Son regard, plus froid que jamais, était braqué sur Reiner qu'il maintenait agenouillé au sol grâce à sa poigne sur ses cheveux blonds.
Jean osait à peine respirer. Il y avait quelque chose dans cette vision qui le fit frissonner.
NOTE DE LYA
mes salutations, camarade.Je pense que vous êtes plusieurs à avoir deviné ce retournement de situation, mais j'espère quand même en avoir surpris quelques un·e·s !!
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𝐋'𝐎𝐌𝐁𝐑𝐄 𝐄𝐓 𝐋𝐄 𝐑𝐄𝐅𝐋𝐄𝐓
RomanceAu lycée, Jean porte sa popularité comme un fardeau. On lui a collé une première étiquette, puis une autre, et encore une autre, jusqu'à ce qu'il ne sache plus lui-même qui il est vraiment. À l'aube de sa rentrée en terminale, Jean n'a déjà qu'une h...