𝐈𝐈 - 𝐅𝐚𝐧𝐭𝐨̂𝐦𝐞

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🎶Rhinestone eyes - Gorillaz🎶

" UNE perspective d'avenir, enfermé dans les quatre murs de ce bureau. Confiné dans cet espace clos et restreint dans lesquels les voix rebondissent contre les parois pour atteindre nos oreilles dans un écho.

On parle budget, on parle argent, on parle campagne, on parle stratégie, on parle communication.

Je me tiens en bout de table, place à priori principale, censé captiver tous les regards et l'attention, mais je suis tel un fantôme. Transparent, invisible, on ne me demande pas mon avis, je ne suis pas là pour le donner.

Moi, j'écoute.

Et on aura qu'à dire que c'est très bien comme ça.

À ma droite, mon community manager, Alexis, prenant attentivement des notes sur son ordinateur dernier cri.

À ma gauche, Marine Le Pen, distribuant la parole autour de la table, comme une leader dirigeant ses fidèles qui l'écoutent au doigt et à l'œil.

Et, éparpillés parmi les places centrales, on retrouve, entres autres, députés, portes-parole et chargés de communication.

Tous débattent sur le sujet des élections européennes. Amusant quand aucun dans cette pièce n'est député européen... excepté moi.
Une ironie de laquelle je me serais bien passé avant, mais qui, aujourd'hui, me contentait. Je les regardais discuter, n'ayant rien à faire d'autres que de feindre de l'intérêt à ce qu'ils disaient.

Par moment, leurs regards se posaient sur moi, alors j'hochais la tête en signe d'approbation et ils détournaient immédiatement leurs attention.

En réalité, cela ne voulait pas dire qu'ils s'inquiétaient que je sois soucieux de ce qu'ils disaient, ni même que je les écoute.
En théorie, je le devais. En pratique, cela n'importait pas.

Rapidement, l'ennui de mes pensées défilant en boucle dans mon esprits sur les mêmes sujets et mes yeux se baladant dans les quatre coins de la pièce finirent par me lasser, et le temps me parut long.

Je décidais de me passer de cet agacement, le bruit de fond de leurs voix me donnait envie d'aller loin, de m'isoler. Je me suis levé sans un mot, et suis parti pour la pièce adjacente, les toilettes.
Lieu peu gracieux, mais lieu d'intimité certaine.

Personne ne commenta mon départ, personne ne semblait même remarquer mon absence, comme si j'étais un esprit immatériel invisible à leurs yeux.

Une fois que je fermais la porte de la petite pièce carrelée à clef, le vide symptomatique s'installa de nouveau en moi, emportant mes forces avec lui.

Je me suis laissé glisser, le dos collé à la porte, ma veste de costume frottant lentement contre le bois rugueux.
À bout.

Lorsque je touchais le sol, la même douleur lancinante m'ayant fait souffrir plus tôt dans la journée recommença à prendre possession de toute ma colonne vertébrale. Paralysant pour de bon mon corps, mais toujours incapable de faire taire mes pensées.

J'avais besoin de calme, un calme que le bureau d'à coté ne pouvait pas m'apporter.
Un calme qui n'était pourtant pas synonyme de réconfort ou d'apaisement. C'était seulement un besoin. Un besoin de se retrouver seul, de souffrir seul.

J'avais commencé à m'y habituer après que Gabriel et moi ayons rompu tout contact. Souffrir seul, souffrir sans lui, souffrir avec des souvenirs et de vieux messages comme seules preuves de la vérité de notre histoire.

Je regardais ses publications Instagram, ses vidéos TikTok, comme pour me rappeler qu'il n'avait pas été que le fruit de mon imagination. Que cet homme est bien réel, qu'il existe, malgré la distance, et qu'il était le premier - et dernier- à m'avoir fait ressentir ce type d'émotions.

Il m'arrivait aussi de retourner sur le forum. Regarder nos conversations, lorsque tout allait encore bien, et sourire tristement devant les mots doux que l'on se disait.

Mais derrière cette tristesse, se cachait toujours une colère. Toujours.

Pourquoi avait-il fallu qu'il découvre la vérité ?

Je me complaisais tant dans le mensonge, si cela signifiait qu'il restait avec moi.

Sur l'instant, peut-être, avais-je pensé que cette relation cachée de tous, de lui-même, n'était pas l'idéal, qu'il allait bien finir par démasquer la supercherie

Mais c'était mieux que ce que je vivais maintenant. Le vide.

Son absence à me faire tourner la tête, si proche et si loin de moi à la fois.

Le fantôme de mon existence à moi.
La personne dont la présence sur Terre semblait relever du mythe, qu'un visage sur l'écran d'une télé, d'un téléphone.
Une légende urbaine dans ma vie, l'instant d'un rêve.

Avoir seulement goûté à la joie et à ces émotions nouvelles pendant quelques semaines, mois. Puis après cela, tout avait disparu.

Comme si je m'étais réveillé d'un sommeil profond et réconfortant, mais que le retour à la réalité n'en devenait que plus brutal.
Une vie plus dure, cassante ou tout n'est que négativité, tristesse et colère.

Mais je m'accordais parfois l'instant de le regarder. Comme si je regardais ma source de bonheur, ma lumière, briller au loin, sans que je ne puisse en bénéficier, me contraignant à régner dans l'obscurité.

En regardant autour de moi, je remarquais que je n'avais pas ouvert l'interrupteur, que seul mon portable éclairait les alentours et réfléchissait sa lueur sur mon visage.

Une vidéo tournait en boucle, je n'arrivais pas à en déduire le contenu, trop absorbé par le sujet initial qui y trônait.
Ma légende urbaine dont la voix résonnait sur la courte vidéo d'une quinzaine de secondes.

Puis les minutes passaient, je devais retourner à la réunion avant qu'ils ne se posent des questions, - bien que je doute qu'ils aient remarqué mon absence -.

Alors, je quittais le TikTok qui avait tourné  en boucle, et atterris sur l'interface de son compte.

Je n'y prêtais, en réalité, pas grande attention. Du moins pas d'habitude.
Mais mes pupilles furent irrémédiablement attirées par un détail qui changeait, qui dénotait de ce que je voyais quotidiennement sur ce profil.

Si le nombre de personnes à qui Gabriel Attal est abonné - sur l'application - n'avait pas changé depuis la création du compte, il semblait que, aujourd'hui, marque un tournant dans l'histoire des réseaux sociaux et de la politique.

Le chiffre avait changé.

Un était devenu deux."

Au delà du réel -2- [BARDATTAL]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant