𝟗 - 𝐄́𝐜𝐨𝐮𝐭𝐞 𝐜𝐡𝐞́𝐫𝐢

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🎶Hold On, We're Going Home - Arctic Monkeys (cover)🎶

" LES contres coups de la course d'hier soir se faisaient ressentir suffisamment pour me paralyser dans mon appartement.

Était-ce vraiment les douleurs lombaires le problème ? Ou n'y avait-il pas une part d'autre chose ?

Cette sensation de me faire à la fois broyer les os de la colonne vertébrale et écraser le cœur par ses mains.
Deux endroits physiologiquement à l'opposé mais qui, en cet instant, me reliaient tous deux à une seule et même personne. Toujours Gabriel.

Il avait été, la nuit dernière, la cause de mes maux. Mes tourments.
Envahissant mon esprit et mon enveloppe corporelle de la même intensité, une fois encore. C'était de la souffrance dans sa forme la plus vraie.

Gabriel. Même si je le voulais, même si j'essayais, je ne pourrais pas l'oublier.

C'est sa trace indélébile sur mon corps, c'est son image incessante dans ma tête, c'est sa présence dès que j'allume la télé ou lis un article.
Son omniprésence me rend incapable de le sortir de mes pensées.

Il n'est déjà pas du genre de type avec qui on accepte de tourner la page facilement.
Un visage angélique, des mots qui ont la capacités de refermer les plaies ouvertes, des lèvres à couper le souffle.
Mais si chaque parcelle de son existence se retranscrivait dans la mienne, cela me condamnait à une destinée de regrets et de remords.

Pourquoi ? Pourquoi était-il de ces personnes qui s'immiscent un jour dans votre vie et décident de ne plus la quitter ?

Pourquoi avait-il fallut que trois pauvres mois en sa compagnie me suffisent à créer un sentiment inconnu auparavant,
que aucunes femmes, aucuns hommes n'avaient su me procurer ?

Comment s'appelait même ce sentiment ?
Comment pouvais-je oser donner un nom à quelque chose que je n'avais jamais ressenti avant ? Avant lui ?
Comment se faisait-il que sa simple présence sur Terre était suffisante à brouiller tous mes sens ?
À me faire enflammer mes désirs ?
À réveiller des millions de picotements dans tout mon abdomen ?

Je n'arrivais pas à me résoudre. Me résoudre à le laisser tomber.

Abandonner, c'était hors de question.
L'abandonner, encore moins.

Je savais que j'étais, sans l'ombre d'un doute, la personne en tord ici.
Il m'était impossible de ne pas comprendre qu'il m'en voulait. Peut-être aurais-je eu la même réaction ? Ou pire ? Ou pouvait-on vraiment réagir pire ? De manière si blessante ?
Je ne sais pas.
Mais ce que je savais, c'est que j'avais merdé, et qu'il était trop tard.

" On ne revient jamais en arrière."
C'est dans quoi cette citation, déjà ?
Qu'importe.

J'avais entendu cette phrase quelque part, et elle décrivait bien ma situation.
Le passé méritait d'être changé mais, à moins d'un miracle, je ne voyais aucune issue.

Bien que, même si un soudain pouvoir m'était conféré ou que Dieu - hypothétiquement - viendrait à me faire remonter le temps, je ne crois pas que je changerais quoi que ce soit.

J'avais, malgré tout, chéri chaque instant à lui parler, dans la réalité comme par écrans interposés.
Pendant à peine trois mois, il avait guérit mes maux, parce qu'il en avait bien la possibilité.
Alors, même si on me donnait la possibilité de changer cela, je ne le ferais pas.

Il y a ce jeu vidéo, où l'héroïne à le pouvoir de voyager dans le temps et l'utilise pour éviter les drames susceptibles de se produire.
À la fin du jeu, un dilemme se pose, la personnage principale doit choisir de sacrifier la ville entière dans laquelle elle habite pour sauver la fille qu'elle aime, ou au contraire, sacrifier la fille qu'elle aime pour sauver la ville dans laquelle elle habite.
Le joueur a le pouvoir de décider.
Doit-il laisser l'être cher mourrir ou non ?
Mais une condition se pose :
Laisser l'autre fille mourrir signifie qu'elle oubliera tous les moments passés aux côtés de sa moitié.
Elle mourra, en ayant l'impression de ne jamais avoir rien vécu de son histoire, de leur histoire.

Parfois, je me demande ce que je ferais si j'étais dans cette situation.
D'ailleurs, je n'ai jamais terminé le jeu car je n'ai jamais fait le choix final.

Pour Gabriel, c'était pareil. Et je crois que, je n'accepterai jamais d'effacer les souvenirs créer ensembles.
Car ils sont trop précieux.

Cet homme était comme une pommade.
J'allais lui parler quand ça n'allait pas et il me soignait.
Et j'aimais faire de même. J'aimais savoir qu'il allait mieux avec moi. Grâce à moi.
C'était me sentir utile, profondément utile, dans une vie ou plus rien ne semblait compter : je l'avais trouvé.

J'aimais même dire qu'on s'était trouvé.

Je ressentais, au plus profond de moi, une connexion, une réciprocité.
Je refusais de le croire quand il me jurait que nous n'étions rien de plus que deux inconnus.

J'avais tant de choses à lui dire, je ne pouvais pas m'arrêter en si bon - enfin, mauvais - chemin.
Il y'a cette voix dans ma tête qui m'en empêche, qui me crie de ne pas lâcher cette étincelle entre nous.

Parce que je suis l'électricité et qu'il est l'eau. Qu'il était mon conducteur quand ça n'allait pas.

C'est bien comme ça que l'on reconnaît les personnes importantes.
Quand elles partent il y a ce vide au plus profond de nous, qui nous ronge et nous consume comme si nous étions une cigarette de laquelle le tabac a été brûlé.
Un mégot.

Gabriel était à mes yeux de ces personnes essentielles, qui avait décidé de prendre un appartement dans mon esprit et de ne pas partir même une fois le bail terminé.

Enfin, pouvait on dire qu'il y'avait même eu un bail ?
Parlait on de relation à proprement parlé ? de couple, de rupture ?
Non, c'était trop tôt.

Mais quoi que ?
Parfois les sentiments vont si vites qu'il n'y a jamais de "trop tôt".
Au final, je le connaissais mieux que personne, sous tous ses aspects, et j'aimais chacune de ses coutures.

La façon particulière qu'il avait de sur-utiliser le groupe de mot "À vrai dire", son sourire où ses deux premières dents entraient légèrement en collision, les discrètes boucles de ses cheveux qui revenaient lorsqu'il se les laissait pousser, les débriefings de ses journées chaque fois qu'il rentrait chez lui, la couleur irrésistible de ses joues après avoir bu quelques verres...

C'était Gabriel, tout simplement.

Et j'aimais - j'appréciais - énormément ce Gabriel.

Et moi, je voulais le retrouver. Retrouver son rire franc et jovial, ou du moins, les emojis qui en attestaient.

Et voilà que je me retrouvais, une fois de plus, devant mon téléphone, à farfouiller les abonnements Instagram du Premier ministre, espérant trouver un indice sur la personne qu'il avait décidé de Follow sur TikTok.

À défaut de le retrouver dans la réalité, j'allais le trouver dans ma réalité.
Celle où je suis caché, où je ne suis plus Jordan Bardella.

Et je vais continuer à chercher, un maigre espoir de trouver une source de réconfort dans tout cet amas de likes.

On ne revient jamais en arrière, c'est vrai.
Mais, peut-être, y avait-il, caché dans les méandres d'Internet, une maigre consolation qui ne me ferait pas regretter de remonter le temps.

Car maintenant, je considérais la possibilité d'être celui derrière cet abonnement."

Au delà du réel -2- [BARDATTAL]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant