𝟏𝟒 - 𝐑𝐮𝐩𝐭𝐮𝐫𝐞

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🎶 Helsinki - Dinos🎶

" C'ÉTAIT donc ça, une rupture.

Je vivais pleinement ce que je n'avais encore jamais pris la peine de réaliser.

Cela faisait près d'une semaine que je pourrissais dans mon appartement, que je prenais racine dans mon canapé, que mon téléphone n'était devenu que l'extension de ma propre main.
Et cela faisait le même temps que je n'avais rien mangé.

Hier, Marine Le Pen est passée me voir dans mon appartement.
Certainement parce que je ne répondais ni à ses messages ni à ses appels, mais j'aimais croire que c'était par pur soucis à mon égard - puisque c'était bien la seule à se préoccuper de moi -.

" - Jordan, je trouve que tu as minci depuis la dernière fois. Ce n'est pas bon pour la campagne, si tu commences à nager dans tes costumes, tu auras l'air ridicule."

Je ne me souviens pas avoir répondu, ou peut-être que si ? Je ne sais plus.

Mais je me rappelle bien avoir prétexté une  maladie bénigne dû à la météo pluvieuse.

Avais-je réellement menti ?
Il pleuvait bel et bien autant dehors que dans ma tête, et c'était l'orage partout dans mon cœur.

Je ne vis plus que dans le noir, dans les ténèbres de mon esprit.
Les plus mauvaises choses choisissent bien leurs moments pour resurgirent.
Et - Oh oui - qu'elles étaient de sorties.

Il ne s'agissait, malheureusement, pas que de Gabriel, bien qu'il soit en grande partie la cause de mes maux.
Mais il y avait tout ce qui gravitait autour de lui.

Allant de mon travail jusqu'à la confiance que je portais aux relations avec un grand R.
Il hantait tout ce de quoi je désirais m'approcher pour noyer ma peine.
Je ne pouvais plus sortir, plus travailler, plus regarder de film.
La moindre de ces actions me rappelait douloureusement sa présence.
Ou plutôt, son absence.
Il avait imprégné, marqué son empreinte au fer rouge, bien des aspects de ma vie. Du plus au moins contraignant.

J'étais bloqué, volontairement prisonnier de son souvenir.
Volontairement.
Puisque, malgré tout - malgré moi, lui - me payer avec tout l'or du monde ne m'aurait pas convaincu de l'effacer.

C'était beau d'être son prisonnier.
Triste, mais beau.
C'était bien la seule chose qui me rattachait à lui.
Maintenant que nous n'avions plus aucunes attaches, j'allais devoir vivre de ma mémoire.
Survivre avec mes souvenirs et rester plongé dans le passé à jamais... Ou au moins le temps que ça se tasse.

Même si, pour l'instant, il était trop dur d'imaginer un avenir où j'avais tourné la page.

Peut-être préférais-je encore le maigre confort que me procurait mon malheur plutôt que de me forcer à aller mieux ?

Se morfondre restait une activité plus simple qui ne nécessitait ni efforts, ni courage, ni énergie.
Car, de toute façon, je manquais des trois.

Je ne voudrais pas mentir et prétendre que c'était la semaine la plus horrible de mon existence, car ce n'était pas le cas.
C'était simplement la semaine où j'avais le plus pensé à lui.
Et en conséquence, cela la rendait difficile.

Passé neufs mois séparé de lui avait été une épreuve, mais une épreuve alimentée par une source d'espoir.
Il y avait toujours cette volonté de poursuivre cette relation égarée. De se retrouver.

Aujourd'hui, c'était définitif.
La fin était une sentence à laquelle il m'était impossible de faire appel.
J'avais déjà grillé ma chance une fois, eu la possibilité de reprendre contact avec lui pour quelques infimes bribes de dialogues, quelques touchers et un baiser.
Mais maintenant, il allait falloir vivre sans lui, quand bien même ma vie perdait de son éclat quand il n'était pas dans les parages.
J'allais devoir purger ma peine pour le mal que je lui avais infligé.

Il avait eu gain de cause, fait justice lui-même.
Et c'est vrai : Il avait assez souffert pour que je vienne lui en rajouter une dose supplémentaire.
C'était à mon tour désormais.

Cette semaine avait su me donner un avant-goût de mes souffrances.
J'avais perdu le goût de tout.
Moi qui était déjà de ces personnes peu passionnées, qui vivent au jour le jour, se contentent de la routine
- le fameux métro-boulot-dodo - .

Mais une chose persistait tout de même :
C'était la musique.
Pourtant, je n'avais jamais été tant fan que ça.
Je n'étais pas de ces personnes qui vibraient pour les artistes.

J'aimais les belles tournures de phrases, les personnes qui parlaient bien, les poètes, les orateurs, mais je n'ai jamais été grand amateur de chansons.

Pourtant, il avait semblé que ce que je ressentais aujourd'hui, et depuis une semaine, n'était jamais si bien retranscrit qu'avec des paroles sur une mélodie.

C'est dingue comme les chanteurs et chanteuses prenaient un malin plaisir à ressasser en boucle les thèmes de la rupture, du chagrin.

Il y avait tout un répertoire que je pouvais me donner le loisir d'écouter, seul, enfermé entre les quatre murs de ma chambre ou de mon salon.

Et puis, il y avait ce rappeur.

En fait, j'étais encore moins fan de rap que je ne l'étais des autres genres musicaux.
Mais cette musique.
C'était particulier.

C'était des mots sur ce que je ressentais.
C'était une clarté sans pareil sur mes sentiments.
C'était la vérité.
Ma vérité.

Et le refrain qui résonne sous les accords du piano qui se joue en fond.
La voix grave qui prends le dessus sur celle de la chanteuse qui fait les chœurs.

La mélodie douce qui ne permet que d'accentuer le poids des mots, de leur donner une importance particulière.
Ça lui ressemblait.
Cette chanson toute entière lui ressemblait.

Sa candeur apparente, son air innocent, son odeur sucrée, son sourire timide, son corps fin, presque frêle.

Et tout ce que cela cachait.

Sa tristesse, sa peine, ses douleurs, mais également tout ce qu'il était capable d'infliger aux autres.
Les mots destructeurs, sortis d'entres ses deux lèvres, deux bonbons empoisonnés.
De ceux que l'on prenait plaisir à goûter pour ne s'en retrouver que plus intoxiqué.

Oui, il était comme cette chanson.

Un fond d'instrumentale délicat sur des lyrics piquants de vérité.
Un paradoxe. Une complexité. Un défi.

Voilà pourquoi je n'arrivais plus à me détacher de l'écoute de ce son en boucle.
Pourquoi je repassais le clip sans m'arrêter, tout autant boulversé par la frappante nostalgie présente dans chaque image chaque fois que j'appuyais sur Replay.

Et toujours autant touché par cette phrase qui me criait - hurlait - la vérité à laquelle j'étais condamné depuis déjà une semaine.

" Et quand je me lève je me rappelle que mes lèvres ne toucheront plus les tiennes." "

Au delà du réel -2- [BARDATTAL]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant