Au delà du réel -2- [BARDATTAL]

𝟏𝟔 - 𝐓'𝐨𝐮𝐛𝐥𝐢𝐞𝐫

🎶L'amour de ma vie - Billie Eilish🎶

" - DEPUIS qu'on ne se parle plus, ce n'est plus pareil. Après neuf mois sans te côtoyer, à te regarder de loin sur des plateaux télés, à la radio, dans les journaux... J'ai parfois eu l'impression que c'était de l'histoire ancienne. Que toi et moi, ça n'avait rien été de plus que des messages sur un ordinateur. J'ai même essayé, au plus profond de moi, de me convaincre que j'avais tourné la page. Pourtant, souvent, quand je me retrouvais seul, je réouvrais le forum pour lire ce qu'on s'était écrit. En relisant, je me trouvais idiot de ne pas avoir vu venir ta révélation à des kilomètres. J'étais sincèrement à milles lieux d'imaginer cela. Le monde est plus petit qu'on ne le pense, nous en avons tous deux fait les frais l'année dernière. Encore aujourd'hui, je me demande comment. Comment, parmi toutes les personnes sur Terre, c'est toi qui ai pu tomber sur ce message tardif que j'avais écrit sans trop d'espoir ? Malheureusement, le bruit de l'absence de réponse pesait fort sur ma conscience. Le pire dans cette histoire, c'est que malgré mes multiples efforts pour oublier ( t'oublier ) je me rendais compte que ce que je ressentais c'était vrai. J'ai pensé chaque mot que je t'ai adressé jusqu'au plus profond de mes tripes. Quand je te disais que tu comptais pour moi, que tu étais devenu indispensable à ma vie et à mon bonheur... Je ne jouais pas les beaux parleurs, j'étais sincère. Et, quand on ressent des émotions si pures à l'égard de quelqu'un, il devient difficile, presque impossible, de l'oublier. J'en ai fait les frais dans ma dernière relation ( je veux dire, avant toi ). Ce genre de sentiments ne s'oublient pas en neuf mois, peut-être même pas durant toute une vie. J'ai essayé de rencontrer du monde, de m'occuper pendant ton absence. J'ai espérer que le temps et les autres se chargeraient de t'effacer de ma mémoire. J'ai même repris contact avec un ancien ami du lycée : Maxime. Ce gars que tu as vu avec moi au cinéma. La vérité c'est que, si je passe du temps avec lui, c'est juste pour tenter de combler un vide. Un vide que tu as laissé. Tu as creusé dans ma vie, puis tu en es parti, laissant un trou béant. Parfois j'y repense, et je me dis que tu avais raison en disant que Jordan et Stéphane n'étaient que les deux faces d'une même pièce. Aussi longtemps que j'aimais parler avec Stéphane, je crois que j'adorais parler à Jordan. C'était deux relations différentes, mais qui, ensembles, se complétaient. Sur internet, tu m'apportais de la douceur, du soutien, de l'affection, de la compréhension. Dans la vraie vie, tu m'apportais de la complicité, de la stimulation, des rires, du challenge, des contacts physiques. Tout ce qui me torturait l'esprit entre ce que je pensais être deux personnes distinctes, n'était en réalité que toi. Toi et toi seul, qui représentait l'intégralité de ce dont j'avais besoin. Par moment je t'en veux ( j'essaye de t'en vouloir ) mais j'échoue. Et tu sais que je déteste échouer, tout comme toi. J'essaye de te détester, d'affirmer avoir de la haine à ton égard, ou bien même prétendre que la situation actuelle me convient parfaitement, mais je ne peux pas. J'ai passé les deux dernières semaines à penser à toi, à ce foutu baiser devant la cinéma, à la veste que tu m'as prêté, à la façon dont tu m'as couru après dans les jardins de l'Élysée. Tu es revenu me hanter. Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez toi ? J'ai essayé de te repousser autant que j'ai pu, aussi violemment que j'ai pu ! Tu continue de t'accrocher. Comme si ça ne te faisait ni chaud ni froid. Je suis forcé d'être admiratif devant ta détermination, et je te promets que je désire plus que tout y céder, mais je ne peux pas. C'est une question de confiance ( un peu de fierté aussi...). Oui, je me sens bien avec toi, oui tu me manques. Mais ne se passe pas un jour sans que je repense à la facilité déconcertante avec laquelle tu m'as menti. Je n'arrive pas à te faire confiance. Chaque fois que je te regarde, je vois l'homme que je désire le plus au monde, qui habite une bête noire en lui. Pourquoi tu ne m'as jamais dit la vérité ? Je me le demande tous les jours aussi. Je me dis que ce serait peut-être mieux de remonter le temps, que toi et moi redevenions deux parfaits inconnus dans l'unique but d'avoir le plaisir de se redécouvrir, sans mensonges. Au lieu de cela, je suis condamné à devoir jouer celui qui te hais. Pire, à devoir paraître être indifférent, à toi, à tout ce que tu représente. Je suis fatigué. Parce que tu comptes pour moi, que tu t'appelles Jordan ou Stéphane, peu importe. C'est toi, sans artifices, qui me manque. J'aimerais trouver un monde où les choses recommencent."

Les yeux brûlants, j'ai relu une dernière fois le message que je venais de taper.
La lumière blanche est plus aveuglante que celle de mon précédent ordinateur.

J'ai poussé un long soupir et ai pressé la touche Effacer.
Pendant de longues minutes, mon doigt s'est retrouvé collé à cette touche, voyant chaque caractère disparaître un à un

Quand l'interface se retrouvait vide, comme une page blanche, je l'ai regardé, puis j'ai fermé l'ordinateur."