Le Phénix Noir

14. Enfant Sauvage

Félix entama la nouvelle semaine avec une étrange sensation de légèreté, malgré les cicatrices émotionnelles et physiques qui pesaient encore sur lui. Les entraînements de Quidditch étaient devenus un moment de répit bienvenu, un espace où il pouvait se défouler et oublier, ne serait-ce qu'un instant, tout le reste. Le vent fouettant son visage, l'adrénaline pure de la vitesse et la concentration absolue qu'exigeait le jeu... C'était tout ce dont il avait besoin pour ne pas penser.

Flint, leur capitaine, avait remarqué une certaine intensité nouvelle dans le vol de Félix. Ses mouvements étaient plus aigus, plus tranchants, presque désespérés, comme s'il jouait chaque instant sur le fil du rasoir. Flint ne pouvait s'empêcher d'être à la fois impressionné et un peu inquiet de cette énergie brûlante que dégageait Félix. Mais il n'en dit rien. Tant que Félix restait le meilleur Attrapeur de Serpentard, tout allait bien.

Le jeudi arriva rapidement. Félix savait qu'il avait une autre retenue avec le professeur Sinistra, mais cette fois, il était décidé à ne pas laisser cette séance devenir un échec. Peut-être était-ce l'insistance de Rogue, ou le poids de la promesse implicite qu'il s'était faite à lui-même, mais il sentait une détermination nouvelle brûler en lui. Lorsqu'il arriva dans la tour du Clocher, il poussa la porte de la salle de musique avec plus de confiance que la fois précédente.

Le professeur Sinistra était déjà là, assise sur un tabouret près de l'étagère de partitions, les yeux fixés sur la fenêtre et les étoiles naissantes dans le ciel crépusculaire. Elle tourna la tête à son arrivée, un sourire calme mais encourageant aux lèvres.

— Bonsoir, Félix, dit-elle doucement. Comment te sens-tu aujourd'hui ?

Félix ne répondit pas tout de suite. Son regard se posa brièvement sur elle, puis glissa rapidement vers le piano à queue qui trônait au centre de la pièce. Sans un mot, il s'avança d'un pas déterminé vers l'instrument. Sinistra observa sa démarche, un peu surprise par son assurance, mais elle n'intervint pas.

Il s'assit sur le banc du piano, ses doigts tremblant légèrement au-dessus des touches, comme s'ils hésitaient entre jouer et s'éloigner. Puis, brusquement, il appuya sur les touches, jouant les premières notes avec une intensité qui fit légèrement vibrer la salle. Le son résonna dans la pièce, clair et net, comme un cri qui s'élève dans le silence.

Sinistra resta immobile, retenant presque son souffle en écoutant les notes rapides et pressées qui s'enchaînaient. Il n'y avait pas de douceur dans la manière de jouer de Félix. Chaque note semblait frappée avec une urgence presque agressive, comme s'il tentait d'exorciser un démon intérieur. Pourtant, quelque chose dans le morceau capta son attention, et elle se rendit compte qu'elle reconnaissait cette musique.

— Chopin, murmura-t-elle pour elle-même, une lueur de surprise dans les yeux. Une nocturne...

Elle l'observa attentivement, ses doigts agiles mais brusques glissant sur le clavier avec une précision saisissante. Félix jouait vite, comme s'il voulait traverser le morceau à toute vitesse, sans s'arrêter pour respirer. Il semblait enfermé dans un monde à part, totalement absorbé par la musique. Ses veines, légèrement visibles sur ses mains, pulsaient au rythme des notes, comme si chaque accord résonnait dans tout son être.

Sinistra ferma les yeux un instant, laissant les notes de la nocturne envahir l'espace. Il y avait une telle intensité, une telle tension dans le jeu de Félix, qu'elle en sentit presque un frisson parcourir son dos. Elle connaissait cette nocturne de Chopin, pleine de mélancolie et de désir, mais sous les doigts de Félix, elle prenait une autre dimension, une autre urgence.

Quand il atteignit la fin du morceau, il s'arrêta soudainement, levant brusquement les mains du clavier comme s'il avait été brûlé. Sa respiration était rapide, et il fixa le piano, les yeux encore hantés par quelque chose de profond et de sombre.