Chapitre 20

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  " Le même regard remplit de haine. "

Quand quelque chose me tire de mon sommeil, il ne fait pas encore jour. Combien de temps ais-je dormis ? Une heure peut-être.

"- Pardon de t'avoir réveiller, chuchote Mat à côté de moi.

En me redressant, je secoue lentement la tête de droite à gauche en me frottant les yeux. Il me faut un certain laps de temps pour me rendre compte qu'un homme est penché sur Mat et parler si bas que je n'arrive qu'à distinguer des bribes de leur conversation.

- [...] Tué. Et je ne sais pas pourquoi ils l'ont ramené Mat... Qu'est-ce-que je suis censé faire d'elle ?

En soupirant, Mat se redresse avant de se lever. Il est aussi épuisé que moi si ce n'est plus. Alors, lorsqu'ils sortent de la pièce, je décide de les suivre.
Dans la salle commune, un petit groupe de quatre hommes est attroupé au centre. Tirant sur le t-shirt qui me sert de robe, je tente de me frayer un chemin en jouant des coudes pour voir ce qui les agite autant.
C'est une petite fille, âgé de huit ou neuf ans. Ses longs cheveux blonds sales et emmêlés tombent dans son dos et elle porte des vêtements trop grands pour elle. D'ailleurs, la veste qui recouvre sa robe est un vêtement d'homme. Mais rien de tout n'attire mon attention. Ce qui m'empêche de détourner le regard, c'est tout ce sang qui macule son petit corps. De ses cheveux à ses pieds, elle n'est rien d'autre qu'une enveloppe rouge et poisseuse.
Lorsque Mat s'approche, la gamine tourne les yeux vers moi. Des yeux qui bloque ma respiration. Aussi bleu que les miens, ils sont en tout point semblables. C'est cette impression que j'ai eus la dernière fois que j'ai vue mon reflet dans le miroir. Cette gamine et moi avons le même regard remplit de haine.

- Poussez vous, ordonne Mat aux hommes qui lui bloque le passage. Vous n'allez faire que l'effrayer.

Certains protestent mais ils finissent rapidement par s'écarter et j'ai plus de place pour contempler ce petit être. Ses pieds nus sont eux aussi couvert de sang et lorsqu'elle se tourne vers Mat, le bruit humide qui en ressort me donne la nausée.

- Comment est-ce-que tu t'appel ? Demande Mat en s'accroupissant.

A ma grande surprise, sa voix est différente. Remplie d'une douceur semblable à celle qu'il emploie quand nous nous retrouvons seuls.
Cependant, la gamine ne semble pas résigner à parler. Alors, Mat se redresse en soupirant avant de tourner la tête vers moi.

- Carla, tu vas t'occuper d'elle.
- Je... Attends, quoi ?!
- Tu es la seul femme ici et je suis sûr que tu réussiras à t'occuper d'elle.
- Pourquoi ?!
- Ne discute pas. C'est comme ça. "

C'est donc comme ça que je me retrouve avec une gamine couverte de sang, dans la salle de bain des femmes déserte. Elle est assise dans le bac de la douche, les genoux replier contre elle-même et me tourne le dos pour que je rince ses cheveux. Ils sont incroyablement doux malgré tout le liquide rouge qui coule sur le carrelage blanc avant de disparaître.

" - Est-ce-que tu es blessée ? Murmuré-je.

La gamine secoue doucement la tête, envoyant de minuscule gouttes rosées voler dans l'air. Sous la couche de sang, sa peau est pâle et semblable à celle des poupées de porcelaine. Si cheveux n'avaient pas été blonds, elle aurait put être mon portrait craché en version rétrécit.

- Si tu me disais comment tu t'appel, ce serait plus simple, tu ne crois pas ?

Nouveau silence. J'ai l'impression de parler à un mur.

- Tourne toi vers moi s'il te plait, je vais rincer ton visage.
Si tu ne veux pas me dire, commencé-je lorsqu'elle me regarde enfin, je vais devoir essayer de deviner.

Toujours aucune réponse.

- Bien... Léa ?

Silence.

- Théa ? Sophie ? Julie ?

Silence. Je soupire.

- Liana, chuchote-t-elle.
- L-Liana ? C'est jolie.

Hochement de tête. Je crois qu'il s'agira du seul mot qu'elle prononcera aujourd'hui.
Après lui avoir demandé de rester dans la salle de bain, je cours jusqu'au dressing et reviens avec des vêtements pour enfants que je n'aurais jamais crus pouvoir trouver. Alors que je pensais la trouver enrouler dans une serviette et assise sur le rebord de la douche comme je l'y avais laissé, c'est face au miroir qu'elle se trouve. Elle aussi contemple son reflet avec ce regard vide. Doucement, je m'approche.

- Tu as dus vivre quelque chose de très dure là bas, murmuré-je en posant les yeux sur mon propre reflet.

J'avais raison. Nous avons le même regard dénué de sentiments, vide de toute expression.

- Pas tant que ça.

Sans voix est froide, semblable à son visage. Du coin de l'oeil, je remarque ses poings se serrer sur sa serviette.

- D'où venait ce sang ?
- J'ai... J'ai tué mes... Parents.

Dans le miroir, je vois mon visage se décomposer. Ma bouche se crispe les vêtements que je tenais s'éparpillent sur le sol.

- Ce n'est pas grave, continue-t-elle sans me regarder. Il n'y a plus de loi maintenant.

J'ai l'impression qu'elle récite une poésie. Des mots entendues trop de foie. Elle ne ressemble pas à une petite fille mais à un robot.

- Il n'y a plus de loi. Plus rien n'a d'importance alors ça ne sert plus à rien d'être sage. Personne ne dira que c'est mal. Parce que ce n'est plus mal. Il n'y a plus rien de mal.
- Liana...
- Ce n'est plus important. Plus personne ne peut me dire quoi faire à présent.
- Liana !
- Ce n'est plus mal...

Mon corps à réagit d'instinct et je n'ais pas réussis à m'empêcher de la prendre dans mes bras. Pour la faire taire, j'aurais été prête à tout. A genoux dans la poussière rougeâtre, je sers cette coquille vide dans mes bras, laissant les larmes brûlante dévaler mes joues.

- Pourquoi est-ce-que tu pleure ?
- Tu ne pleure pas toi, soufflé-je dans ses cheveux humides, alors il faut bien que quelqu'un le fasse pour toi. "

Contre moi, je sens son corps se crisper. Je m'en fiche. Elle aura beau me repousser, je continuer de lui apporter la chaleur qu'elle n'a pas dans les yeux. Celle que nous n'avons pas, ni elle ni moi. Cependant, elle ne me repousse pas et se contente de rester immobile.
Après ça, je lui tend ses vêtements et l'accompagne au dortoir où je lui laisse mon lit. Elle s'endort rapidement alors je sors dans la couloir d'un pas pressé avant de tomber nez à nez avec Mat.

" - Toi, crié-je, depuis quand est-ce-que tu me donne des ordres ?!
- Depuis que j'en ais envie, ricane-t-il.
- Tu aurais dus me dire qu'elle avait assassiné ses propres parents !
- Pourquoi ? Tu l'aurais alors laissé à son sort, au milieu de la pièce couverte du sang de ses géniteurs ?!

Sa voix est bien plus dure à présent et j'ai presque envie de me recroqueviller sur moi-même.

- Je...
- Si ses parents étaient des pantins, elle a dut vivre les pires jours de sa vie jusqu'à aujourd'hui ! S'ils la gardaient chez eux, c'était sûrement en attendant de recevoir l'ordre de la liquider ! Cesse de croire que le monde est tel que tu l'a connue Carla ! C'est chassé ou être chassé aujourd'hui !
- Oh bien sûr ! J'avais oublié que le grand Mat avait tout vue et tout connu ! Il est vrai que je n'ais absolument rien vécu moi ! Je n'ais pas entendue ma mère se faire tuer au téléphone ! Je n'ais pas faillis me faire tuer par mes camarades de classes ! Ce n'est absolument pas ma faute si Sam ne peut plus marcher ! C'est vrai que je suis totalement innocente et que tout ce que tu me dis, je ne le sais pas déjà !

J'ai peur de crier trop fort. J'ai peur de voir débarquer des personnes endormis et irrités d'avoir été réveillée. Pourtant, je ne peux empêcher les mots de sortir de ma bouche.

- Ce n'est pas ce que j'ai voulue dire et tu le sais !
- Mat, soupiré-je, la prochaine fois que tu veux dire quelque chose, réfléchis-y. Tu n'es qu'un abrutit trop fière de lui. Je vais me coucher. "

Puis, sans un regard pour lui, je retourne dans le dortoir et m'assoie sur le sol, ma tête appuyée à mon lit. Qu'ils aillent au diable. Lui et son frère.

Une dernière fois.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant