La mélodie du bonheur

Chapitre 27

"Je ne veux désormais que collectionner les moments de bonheur." Stendhal

Point de vue d'Abby

Ella Shaw apparaît dès que la musique se coupe. Tous les regards convergent vers cette métisse à la beauté qui me coupe le souffle. Rien que dans sa démarche, elle a le port d'une reine. Elle s'avance vers la scène et c'est comme si les spectateurs sortaient enfin de leur transe, moi y compris, pour l'acclamer. C'est une ovation assourdissante qui m'oblige à poser mes paumes sur les oreilles de Tammy.

Elle rejoint son groupe et s'installe derrière le micro en nous souriant. Cette femme est une ensorceleuse !

Je la détaille dans sa robe dorée, sans manche, assez courte pour dévoiler des jambes interminables et galbées par des escarpins vertigineux. Une multitude de fines tresses cascadent jusqu'au milieu de son dos. Les traits fins et harmonieux de son visage ainsi que sa bouche pulpeuse lui confèrent une beauté sensuelle. Ses yeux sont le trait le plus captivant, grands et lumineux, avec des nuances allant de la couleur noisette au noir profond, encadrés de longs cils qui accentuent leur expression.

West règle son micro et elle le remercie par une main sur son épaule et un sourire à damner un saint. Je la trouve sublime. Quant à West, il lui décoche un sourire pro, puis termine son taff.

― Merci à vous d'être si nombreux pour ce concert qui me tient tant à cœur, déclare-t-elle lorsque West descend de la scène.

Elle patiente que les applaudissements cessent pour poursuivre.

― Il y a dix ans, j'étais à la Nouvelles-Orléans avec mon père. J'étais une ado de seize ans qui portait peu d'intérêt au jazz jusqu'à ce que je découvre Nouna. Une chanteuse qui m'a fascinée par sa voix, son univers, sa gentillesse au point de vouloir embrasser la même carrière. Je rends hommage à cette femme qui a changé ma vie avec sa chanson " À nos âmes enlacées".

Les notes de piano s'élèvent dans l'air, suivi du saxophone, qui diffusent une ambiance douce et romantique. Les lumières pourtant tamisées dans la pièce baissent en intensité. Seule la scène reste éclairée pour que notre attention reste captive. La voix aérienne d'Ella s'élève dans les airs et plus rien d'autre ne compte que sa performance.

Dans le murmure du soir, nos pas s'entrelacent,

Comme une mélodie douce qui jamais ne s'efface.

Dans tes yeux, je vois des promesses d'éternité,

Nos corps s'unissent pour danser, pour rêver

Pour mieux s'aimer

On a toute la vie devant nous.

Le temps suspend sa course,

Il est le témoin de notre éternel amour

de nos cœurs qui battent à l'unisson.

Maintenant, on ne fait plus qu'un.

À nos âmes enlacées.

Les paroles reflètent une expression si intense grâce à la richesse d'interprétation d'Ella que ma peau se hérisse d'un frisson de plaisir.

― Que t'es belle ! me susurre West à l'oreille.

Je détourne mon attention de la scène et lui dédie un sourire qui disparaît sous l'assaut de ses lèvres dans un baiser vorace. Plus rien ne compte que le contact de nos deux corps lorsqu'il pose son front contre le mien, un bras autour de ma taille. On se laisse bercer par les paroles de la chanson. J'ai la sensation que ce sont ses yeux qui me les soufflent. Chez West, son regard est le reflet de son cœur qui déborde d'affection pour moi.