La mélodie du bonheur

Chapitre 37

"Si seulement on pouvait effacer certains souvenirs du passé pour que le présent soit moins douloureux." Citation anonyme

Point de vue de West

J'ouvre un œil, le deuxième refuse de suivre le mouvement. J'ai une ancre qui pèse une tonne dans la tête, incapable de lever ma tête du lit d'Abby. En même temps, je n'en ai aucune envie. Ses mains parcourent et caressent mon corps avec une habileté qui mérite d'être soulignée. Son corps remue sur le matelas jusqu'à rompre le contact. J'attrape son poignet pour la ramener près de moi. Elle pouffe ; son souffle caresse mon visage.

― Tammy me réclame.

― Elle nous réclame, la contredis-je, les yeux fermés. Elle veut être avec nous.

La suite est un black-out. Une sonnerie retentit, juste le temps que mes yeux s'ouvrent et se ferment. Une secousse contre mon épaule m'arrache en partie au sommeil, je me tourne sur l'autre côté pour échapper à mon assaillant. Peine perdue, la nouvelle secousse est deux fois plus énergique.

― Réveille-toi. Tu as trois appels en absence.

Les yeux toujours fermés, je sens qu'elle fourre mon téléphone dans la main. Je ne sais plus à quand remonte ma dernière cuite, mais celle que je suis en train de me coltiner m'oblige à rester allongé sous risque d'avoir le crâne qui explose de douleurs. Pourtant, je ne regrette rien. J'ai fêté avec les Velvet Pilots leur future collaboration avec Ella Shaw. Elle est peut-être fan de ma composition, mais elle a surtout adoré leur prestation. Ils chanteront ma dernière composition en duo spectacle dans le Michigan, dans un mois.

Je me tourne, le dos contre le matelas, j'enclenche la messagerie tout en me pinçant l'arête du nez. J'ouvre les yeux en catastrophe.

Bordel de merde !

Il y a eu un incendie au Nouna. La cause serait une bougie.

Je m'assieds trop vite, tout tourne autour de moi, vacille, mon estomac se soulève en signe de protestation. Je parviens non sans mal jusqu'aux chiottes et vomis mes tripes et boyaux. Lorsque je me retrouve face au miroir, je m'asperge le visage d'eau et m'essuie en me frottant avec une serviette en espérant me remettre les idées en place.

Je ne me souviens presque pas de la fermeture, mais Ryan était là, c'est lui qui a fermé derrière nous. Il était sobre et s'il avait remarqué une bougie allumée, il l'aurait éteinte, comme on le fait chaque soir. Je me lave les dents et avale en partie le dentifrice pour faire disparaître le goût de vomi. Mauvaise idée lorsque mon estomac se retourne de dégoût, prêt à se vider de sa bille.

― Prends ça, m'intime Abby qui me tend deux Advil avec un verre d'eau.

Je m'empresse à m'exécuter et retourne dans la chambre à la recherche de mes vêtements. Abby m'aide à les récolter tout en me demandant ce qu'il se passe.

Je prends une grande inspiration pour lui répondre, en espérant que je ne finisse pas une nouvelle fois au-dessus de la cuvette.

― Le proprio m'attend au Nouna. Il y a eu un incendie.

Elle ouvre la bouche de stupeur quand j'enfile mon jean en m'asseyant sur le lit pour plus d'aisance.

― Il y a des dégâts ?! s'alarme-t-elle en ouvrant la porte de son dressing.

― Aucune idée. Je préfère le savoir quand j'y serai.

Ma voix est calme, bien trop calme par rapport à mon chaos intérieur. La panique m'étreint au point d'avoir la gorge si serrée que suis incapable de continuer à parler.