Lettre 18

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Paris, le 16 septembre 1994

Mon cher Marc,

Je sais que cette lettre ne vous parviendra qu'après notre première rencontre, mais tant pis. J'éprouve le besoin de vous écrire. J'ai la sensation de me rendre à ma première boum ! Je sais que c'est une comparaison un peu déplacée, mais c'est ainsi. Il est 22h, je me lève à six heures demain matin. Je prends la voiture pour quatre heures de route, ça fait longtemps que ça ne m'est pas arrivé. J'ai préparé quelques cassettes pour m'accompagner. J'ai Madonna, Elton John et le dernier album de William Sheller. Je suis parée. Il va faire très beau toute la journée à Paris, d'après ce que j'ai entendu à la radio. Notre rendez-vous est à 14 heures. Je pense arriver vers 11 heures. Comme ça, je suis sûre de moi. Ce serait quand même trop bête d'arriver en retard et d'être refoulée à l'entrée. Ne vous inquiétez pas, Marc, je suis sûre que vous êtes encore plus beau qu'avant. J'ai hâte de vous voir sans la barbe !

Je suis très émue, Marc, que vous ayez écrit à votre fils un peu grâce à moi. Vous avez eu raison. Je croise les doigts pour qu'il vous réponde. Si seulement je pouvais en faire autant avec ma fille. Mais je n'ai pas d'adresse où envoyer ma lettre. Je lui écris pourtant, souvent, dans mon journal. Mais elle ne lit pas ces mots, évidemment.

Mais je ne vais pas gâcher l'ambiance. Je suis doublement heureuse, Marc. D'abord parce que je vais vous voir, bien sûr, c'est le principal, mais aussi parce que je vais revoir Paris. Je n'y suis allée que trois fois. Quand j'étais enfant, avec mes parents, puis quand j'avais 25 ans, avec l'homme qui est devenu le père de ma fille – mais nous ne sommes restés ensemble que très peu de temps, il s'est évanoui dans la nature avant même la naissance de sa fille (c'est un autre sujet), et la dernière fois, c'était avec ma fille justement, et son école. Je m'étais portée volontaire pour accompagner le voyage de classe. Ce n'était pas de tout repos. Tous ces gamins de huit ans à surveiller... Mais nous avons fait un joli tour pendant deux jours, nous avons visiter tous les grands monuments. Et le soir, avec deux professeurs, nous nous sommes autorisé un restaurant sur l'île Saint-Louis. C'était très cher, mais très agréable. Ce doit être incroyable de vivre au bord de la Seine, comme ça, au cœur de Paris. Nous avons croisé Daniel Auteuil, je crois qu'il habite là. Je me suis bien gardé de l'importuner, mais Christian, l'un des professeurs, n'a pas pu s'empêcher de le héler depuis la terrasse : « Daniel ! Daniel ! » J'avais honte, mon Dieu. Très gentiment, Daniel Auteuil nous a fait un petit signe de tête et un sourire.

De toute façon, ce n'est jamais pareil de visiter un endroit et d'y vivre. Quand on est touriste, on crapahute toute la journée, on veut tout voir, on marche des kilomètres. Le soir, on est épuisé, forcément, alors on s'écroule. Et ensuite, on pense que les gens qui vivent là ont bien du mérite parce qu'ils doivent être fatigués tout le temps ! Mais j'imagine qu'on peut aussi se faire sa petite vie bien tranquille même dans une grande ville comme ça. On n'est pas forcément un stressé sous pression qui boude dans le métro. Les gens disent ça à Châtel et ailleurs. Que les Parisiens font la tête dans le métro. Moi, je pense que c'est qu'ils n'ont pas particulièrement de raison de sourire à ce moment-là, c'est tout. Mais s'ils croisent une connaissance ou quelqu'un de gentil, je suis bien certaine qu'ils doivent se dérider. Forcément, à Châtel, on se connait tous, alors on se fait un signe ou on se dit bonjour dans la rue. Mais si on commençait à dire bonjour à tout le monde sur les Champs-Élysées, ce serait un sacré bazar, vous ne pensez pas ?

Allez, il faut que j'aille rejoindre les bras de Morphée maintenant, sans ça, je ne me réveillerais pas à l'heure demain !

Je vous embrasse Marc,

Vôtre Rose

Cher MarcOù les histoires vivent. Découvrez maintenant