Lettre 19

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Paris, le 17 septembre 1994

Mon cher Marc,

Je t'écris de la terrasse d'une grande brasserie sur le boulevard Arago. Je ne suis pas très loin de toi (puisque tu insistes pour qu'on se tutoie. Je vais peut-être avoir un peu de mal au début, l'habitude), quelques centaines de mètres. Mon Dieu, mes mains tremblent encore. Mais pas pour les mêmes raisons que quand je suis arrivée dans cette petite pièce où je t'ai vu. J'avoue que j'étais terrifiée en entrant. Ce n'est pas une légende, la dame de l'accueil était aimable comme une porte de prison ! Ensuite, il y a eu cette fouille, c'est très désagréable. On a l'impression qu'on ne ressortira jamais lorsqu'on passe ces grilles gigantesques, quand les portes claquent les unes après les autres derrière soi à mesure que l'on avance. Comment as-tu survécu jusque-là ?

Je suis désolée, je n'étais vraiment pas très loquace dans cette petite pièce, j'espère que tu n'as pas cru que j'étais froide ou déçue. J'étais très heureuse au contraire, mais trop impressionnée pour être naturelle. Pourtant, tu m'as mise très à l'aise, j'avais l'impression de te connaitre depuis longtemps, j'ai oublié les murs gris et la porte grillagée avec ce gardien qui passait une tête toutes les cinq minutes. Cette demi-heure m'a paru quelques secondes.

Comme je vous l'ai dit, tu es encore plus beau sans la barbe ! Encore plus séduisant que dans les journaux de l'époque. J'espère que je ne t'ai pas ennuyé avec les détails de mon programme pour ce soir et demain matin ? Je reprendrai la voiture vers midi, je serai à Châtel en fin d'après-midi. Je te raconterai demain soir mes impressions. Mais c'est toi qui l'auras voulu !

Bon, il faut que je me calme. Je vais profiter un peu du soleil ici, pour déjeuner. Je garde un œil sur toi depuis ma place ! Je m'en veux de te laisser là. Comme si nous avions le choix. Ne mangez pas tous les chocolats Praline que je t'ai apporté ! Je ne voudrais pas que tu te rendes malade. Sauf s'ils te font rêver de moi !

Je vais poster ma lettre dans une boite juste en face. J'imagine qu'elle va faire un sacré trajet avant de te parvenir, mais je n'ose pas retourner à l'accueil pour leur donner.

Prends soin de toi surtout. Et bonjour à Roger ! Il aurait quand même pu passer me voir !!

Et merci pour ce baiser.

Je t'embrasse,

Rose

PS : Ce soir, j'irai dîner Carrefour de l'Odéon, comme tu me l'as conseillé, chez Jean-Daniel.

Cher MarcOù les histoires vivent. Découvrez maintenant