Le Vésinet, le 22 octobre 1994
Papa,
J'ai bien reçu ta lettre. Tes lettres. Je ne savais pas trop quoi en penser. J'en ai longuement discuté avec Anne-Laure (c'est ma femme) et avec ma psy aussi – elle suit l'affaire depuis le début.
Je t'en ai beaucoup voulu. Pas seulement pour le braquage. Pour le reste aussi. Tu étais sans arrêt dans ta vie de star, de palace en palace, et tout ce que tu m'as donné, ce sont des cartes postales. Tu te rends compte qu'entre mes 12 ans et mes 16 ans, je ne t'ai vu que deux semaines ? D'une certaine manière, grâce à ma psy justement, j'arrive à penser maintenant que, « grâce » à ça, j'ai pu me construire une individualité propre. Mais quand même.
Et puis, bien sûr, il y a eu le braquage et ta tête dans tous les journaux télé, tout le temps. Il y a encore eu un documentaire la semaine dernière. Personne ne croit à ton histoire d'argent volatilisé, tu sais ça ? La police est venue fouiller chez moi, à l'époque. Dans mon studio. Mais t'as dû le savoir. J'ai dû changer de nom, je ne voulais plus être associé à toi.
Mais je crois qu'effectivement il est temps que j'essaye d'avancer, maintenant. Merci d'avoir présenté tes excuses et assumé tes responsabilités.
Je vais essayer de faire un pas vers toi. Tu as le droit de connaitre tes petits-enfants. Et eux de te connaître. Ils sont trop jeunes, je ne leur ai pas parlé de ce que tu as fait, j'ai très peu souvent parlé de toi, d'ailleurs.
Il y a donc Corentin, il a quatre ans et Elisa, elle a deux ans. Anne-Laure, ma femme donc, tu as dû la croiser une fois. A la fête, chez Maguy. J'étais passé avec elle. Elle s'en souvient, vous aviez discuté deux minutes. Elle était au lycée avec moi. Et puis bon, voilà. On habite au Vésinet maintenant, dans une maison. C'est plus agréable que les appartements parisiens.
Je suis directeur marketing à la Coveda maintenant. Enfin, depuis cinq ans. C'est Jean-Louis, le mari de maman, qui m'a embauché. Je sais que tu ne l'aimes pas, mais heureusement qu'il était là. Il a payé tous mes frais de scolarité et il m'a toujours traité avec respect. Je crois qu'il y a de l'eau dans le gaz avec maman ces derniers temps, mais ça ne me regarde pas. D'ailleurs, je ne devrais pas te dire des choses comme ça.
Je ne souhaite pas te voir là où tu es. Mais je veux bien que l'on essaye de recréer quelque chose à ta sortie.
Tiens-moi au courant,
Olivier Berthier
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Cher Marc
General FictionRose vit dans un village de l'est. Un jour, elle prend son courage à deux mains et se décide à écrire une lettre à son écrivain préféré, auteur de best-seller, Marc Delta. Elle aurait pu le faire depuis longtemps, mais elle n'a jamais osé. Maintena...