Lettre 43

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Paris, prison de la Santé, le 4 janvier 1995

Ma Rose,

Tu as raison, 1995 s'annonce une très bonne année. Mon fils. Toi. Nous. Et le reste...

J'aimerais beaucoup venir m'installer à Châtel quelques temps. J'en rêve même. Mais tu n'as pas peur que ça jase ? Je ne voudrais pas te mettre dans l'embarras, que tes copines et les gens de Châtel ne comprennent pas et t'ennuient. Tout a l'air simple quand tu l'écris, tout est facile avec toi. Si on fait comme ça, bien sûr que je préfère que tu viennes me chercher, que tu sois la première personne que je vois en tant qu'homme libre. Seul ? Tu plaisantes ! J'ai envie de tout sauf de solitude ! Enfin, j'attendrai un peu avant de me faire un bain de foule, mais je veux être avec toi, je veux voir mon fils quand il sera prêt, je veux rencontrer de nouvelles personnes, voir des visages que je ne connais pas, et puis, je voudrais tâter l'ambiance du monde aujourd'hui. Tu te rends compte, je ne sais pas ce que sont les années 90 ! Ce que j'en vois par la télé me fait penser que ce n'est pas tellement différent des années 80, mais je veux tout savoir. Je veux écouter du « grunge ». C'est ça ? Nirvana ? J'ai vu un reportage dans le journal. Et puis, j'ai manqué plein de films, je vais me gaver de VHS. As-tu un vidéo-club à Châtel ? Rien que d'y penser, je ressens comme des bouffées d'euphorie. Ça n'a l'air de rien, mais ce sont ces choses-là aussi qui font la beauté de la vie.

Vivement, vivement !

Je t'embrasse fort,

Ton Marc

Cher MarcOù les histoires vivent. Découvrez maintenant