Chapitre 45 (partie 1)

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Je me réveille doucement, entourée par le silence de la maison. La lumière du matin traverse doucement les rideaux, apportant une lueur apaisante. Pourtant, ce calme accentue l'absence de papa. Je m'étire dans le lit, essayant de repousser les images de l'enterrement qui menacent de revenir. La terre qui recouvre doucement le cercueil…

Non. Pas maintenant.

Mon regard tombe sur une feuille pliée en deux sur ma table de nuit. Je la prends et reconnais immédiatement l'écriture de Lili.

"Je dois aller à l'université pour régler quelques formalités. Je serai de retour cet après-midi. Prends soin de toi. Lili."

Un petit sourire s'échappe de mes lèvres. Toujours aussi attentionnée. Je sais qu’elle essaie de s’assurer que je ne sois pas seule trop longtemps. Elle veut veiller sur moi, même si elle aussi doit traverser son deuil. Elle a besoin d’espace, et je suis contente qu’elle prenne un peu de temps pour elle.

Je replie soigneusement le mot et le pose sur le côté. Rester seule… Ça semble à la fois apaisant et intimidant. Depuis l’enterrement, j’ai l’impression de flotter dans un brouillard, incapable de vraiment faire face à la réalité de cette perte. Mais aujourd'hui, quelque chose en moi me dit qu'il est temps d'essayer. Pas pour sombrer dans la tristesse, mais pour commencer à avancer. Lentement, oui, mais avancer tout de même.

Je me lève, décidée à ne pas me laisser submerger. Ma première pensée est pour la chambre de papa. Elle est restée fermée depuis... depuis la fin. Je n'ai pas eu la force d'y entrer, mais aujourd'hui, je sens que c'est nécessaire. Pas pour tout effacer, mais pour retrouver un peu d'ordre, pour m’aider à tourner doucement la page.

En ouvrant la porte, l'odeur familière de son après-rasage m'enveloppe. Je m'arrête un instant, fermant les yeux pour la savourer. C’est rassurant, presque réconfortant. Je m’avance dans la pièce, mes yeux glissant sur ses vêtements, ses objets, tout ce qui lui appartenait et qui reste ici, comme figé dans le temps.

Une partie de moi veut se laisser envahir par le chagrin, mais je me concentre sur le fait de ranger, plier, organiser. Chaque geste, chaque pli que je fais dans ses chemises me donne un léger sentiment de contrôle.

Je tombe sur un vieux pull que papa aimait porter lors de nos parties de jeu de société en hiver, avant Noël. Il est un peu usé, mais je ne peux m'empêcher de sourire en me rappelant combien il l'adorait.

Papa avait toujours un style bien à lui, mélangeant des couleurs improbables et des motifs que personne d'autre n'aurait osé porter ensemble. Il se moquait des conventions, et il avait bien raison.

Même si parfois, il ressemblait à un clown à la retraite.

Mais alors que je continue à ranger, un autre souvenir me frappe : celui de la dernière fois que je l'ai vu à l'hôpital. Les affaires qu'il a emportées là-bas ne sont pas ici. Je réalise qu'il me manque ces objets, comme si une partie de lui était encore ailleurs, à l’hôpital.

Rester enfermée à la maison ne m’aidera pas. J'ai besoin de sortir, de prendre l’air, de m’occuper l'esprit. Après tout, ranger ses affaires à l’hôpital pourrait m'aider à continuer dans cette démarche de guérison, même si elle n’est que symbolique.

Je sors et me dirige vers un petit restaurant près du parc où papa et moi allions souvent. M'asseoir là, en terrasse, me ramène des souvenirs doux-amers. Je peux presque entendre ses commentaires moqueurs, mais jamais méchants, sur les passants.

Comme cet homme qui passe devant moi, vêtu d'un manteau jaune fluo et de chaussures vertes. J’imagine la voix de papa :

- Tu penses qu'il a acheté ça délibérément ? Ou est-ce que quelqu'un l’a forcé ?

A twist of fateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant