Chapitre 40

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L’obscurité m’avale, m’entoure de ses bras glacés et effrayants, comme si elle me réclamait. L’air est si lourd qu’il semble m’écraser, oppressant chacun de mes souffles.

Autour de moi, les pierres, alignées en rangs interminables, se ressemblent toutes. Des tombes, comme un océan de marbre et de granit, s’étendent à perte de vue. Je sais exactement où je suis.

Dans un cimetière.

La nuit est tombée, profonde et sans fin. Pas une étoile n’éclaire le ciel, seule une pâle lueur lunaire filtre à travers les nuages noirs, donnant aux pierres tombales un éclat spectral. Mon cœur bat vite, mais pas à cause du froid ou de l’obscurité.

C’est autre chose.

Quelque chose d’intangible, de sinistre, qui me serre la gorge et rend chaque respiration difficile.

Je fais un pas, puis un autre, mes jambes lourdes et tremblantes. Elles sont épuisées, comme si je portais un poids invisible, un fardeau insupportable qui me cloue au sol.

Chaque pas est une lutte, une victoire contre l'immobilité qui me menace à chaque instant. Mais je continue, lentement, prudemment, le sol mouillé sous mes pieds.

La terre est détrempée, imbibée de pluie récente. Mais je ne me souviens pas qu’il ait plu. Quand est-ce que cela a bien pu arriver ? Je ne m'en souviens plus.

Mes chaussures, couvertes de boue noire, sont inconnues. Elles ne sont pas les miennes. Je ne sais même pas d’où elles viennent.

Quelque chose cloche, tout me semble étranger, irréel, comme si je marchais dans un rêve dont je ne peux m’échapper.

Ou un cauchemar.

Je continue d’avancer, mes yeux rivés sur le sol. Je n’ose pas lever le regard, comme si je craignais de découvrir quelque chose d’horrible autour de moi. Mais je n’y résiste pas longtemps.

Mon regard finit par dériver vers une des pierres à proximité. Elle est rectangulaire, avec une pointe arrondie qui ressemble à un ongle jaunâtre et vieilli par le temps.

Il y a quelque chose de gravé dessus.

Je m’approche, lentement, mon cœur battant de plus en plus fort à chaque pas.

C’est un nom.

Un nom qui ne me dit rien. Une personne que je ne connais pas. Je devrais me sentir soulagée, mais l’angoisse ne faiblit pas.

Je suis toujours happée par cette sensation de danger imminent, de terreur rampante qui se faufile dans l’obscurité.

Je fais un pas de plus, puis un autre.

Plusieurs pierres défilent devant moi,  sans que je ne puisse reconnaître les noms.

Et puis, au bout d'un moment, je tourne les yeux vers une pierre à proximité.

La pierre attire mon attention, celle-ci beaucoup plus proche. Elle semble m’appeler, comme si elle était là, attendant que je m’en approche. Mes mains tremblent, mais je ne peux m’arrêter. Mon regard se pose sur les lettres gravées dans le marbre.

Le nom de mon père.

Mon souffle se coupe, mon cœur manque un battement. Je recule brusquement, mais mes jambes se figent, comme pétrifiées. Une vague glaciale me traverse, de la tête aux pieds.

C’est impossible.

Il ne peut pas être là.

Il est mort, oui, mais cela… ce n’est pas réel. Ça ne peut pas l’être. Je secoue la tête, tentant de chasser cette vision horrible, mais le nom reste gravé, indélébile, sur la pierre froide.

A twist of fateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant