Solitaire (BxB) Terminée

Chapitre 34

HUGO

Le silence s'étire, lourd, presque suffocant. C'est comme si le monde s'était figé autour de nous, et je sens mon cœur battre si fort dans ma poitrine que j'ai l'impression qu'il va exploser.
Je n'arrive pas à bouger, je me sens cloué sur place par la présence de ce garcon, qui, il y a quelques mois à peine, a bouleversé ma vie. Ce moment semble irréel, comme un cauchemar qui refait surface.

Benjamin lui, n'a même pas l'air surpris de ma présence ici. Comment a-t-il su que mon petit copain et moi étions là?

Le masque dans sa main me semble soudain dérisoire. Son sourire nerveux s'efface, remplacé par une expression que je ne parviens pas à comprendre. Peut-être qu'une part de moi n'ose même pas essayer. Je me sens piégé dans ce moment, pris entre les souvenirs de ce qu'il m'a fait et l'impossibilité de fuir.

- Qu'est-ce que tu fais ici ? La voix du garçon que j'aime est plus dure que d'habitude, plus froide, et je devine ce qu'il ressent. Mais moi, je n'arrive même pas à parler. Je me contente de rester là, incapable de faire un pas.

Benjamin baisse encore plus la tête, comme s'il avait honte. Il ne me regarde même pas. Je suis presque soulagé de ne pas croiser son regard, car je ne sais pas ce que j'y verrais. Il y a un malaise dans l'air, quelque chose de lourd et douloureux qui flotte entre nous. Je sens Eliot se rapprocher de moi, son corps se place instinctivement entre moi et Benjamin. C'est son geste protecteur habituel, celui qui me rassure en temps normal. Mais là, ça ne change rien. Je suis toujours paralysé par ce que je ressens.

- Je... je voulais juste parler, dit le garçon d'une voix faible, presque brisée.
Ça fait un moment que je sais qu'il est de retour, dit-il en me désignant du doigt. Et toi, je... Je t'ai aperçu tout à l'heure en voiture. Je me doutais que tu venais passer Halloween ici, mais je ne savais pas que vous seriez tous les deux présents. J'avais prévu de frapper chez lui après t'avoir parlé en premier.

Je vois Eliot se tendre à ces mots, ses épaules se raidirent. Je sais ce qu'il pense. Tout ce que Benjamin m'a fait subir, tout ce qu'il m'a volé, et il est là, aujourd'hui, pour "parler" ? J'entends la colère vibrer dans la voix d'Eliot lorsqu'il répond, mais moi, je ne ressens rien. Je suis juste vide.

- Parler de quoi ? Tu crois qu'on peut effacer tout ça juste en discutant ?

Je vois Benjamin secouer la tête, mais il ne dit rien de plus. Il ouvre la bouche, mais aucun mot ne sort. Quelque chose a changé en lui, je le sens. Il n'est plus le même qu'avant. Pourtant, cela ne suffit pas à apaiser la douleur que sa présence fait resurgir.

C'est alors que je prends conscience de ma main, tremblante, qui agrippe doucement le bras de mon petit ami. Je lève les yeux vers lui. Il me regarde enfin. Dans ses yeux, je lis la même rage protectrice qu'il a toujours eue envers moi. Mais je ne peux pas le laisser se battre cette fois. Pas pour moi. Pas comme ça.

- C'est bon, murmuré-je, la voix à peine audible, comme si j'avais peur d'entendre ma propre décision. Laissons-le parler.

Je vois qu'Eliot hésite. Il ne veut pas lui donner cette chance. Je le sais, et une part de moi ne le veut pas non plus. Mais une autre part de moi a besoin de l'entendre, de comprendre pourquoi il est là, de mettre un point final à tout ça. Si je veux avancer, je dois affronter Benjamin une dernière fois.

Eliot inspire profondément, je sens sa réticence, mais il finit par relâcher un peu la tension. Sa main reste dans la mienne, serrée, et je sais qu'il ne me laissera pas tomber. Pas tant que Benjamin est là.

- D'accord, dit-il enfin, sa voix toujours tendue. Mais fais vite.

Je tourne à nouveau mon regard vers Benjamin, son regard n'est plus le même que cette fois là dans la forêt, je vois autre chose qu'un agresseur. Il a l'air vulnérable, fragile. Mais même maintenant, ça ne change rien à la peur qui palpite dans ma poitrine.