Prologue -Selena

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Anne, ma grand-mère, était une femme accomplie, à la fois audacieuse et élégante. Elle avait fondé un empire d'affaires qu'elle dirigeait d'une main de maître, imposant son charisme et sa vision avec une précision redoutable. Riche, influente, et respectée, elle faisait partie de ces figures rares que l'on admire et redoute à la fois. Mais pour moi, elle était bien plus qu'une légende du monde des affaires : elle était mon refuge.

Quand mes parents sont morts, Anne est devenue mon pilier. Elle m'a enveloppée d'un amour inconditionnel, veillant sur moi avec une attention constante. Elle ne m'a jamais laissé seule face au vide. Notre relation n'était pas juste spéciale : elle était inviolable. Anne n'a jamais cessé de me soutenir, de m'aimer, et de faire de moi sa priorité. C'est pourquoi sa disparition me semble irréelle.
Je suis assise dans le bureau de l'avocat, pétrifiée par l'incompréhension. Anne n'était pas malade. Elle respirait la santé, encore pleine d'énergie la dernière fois que je l'ai vue. Et pourtant, elle est partie. Son décès est un choc brutal. Chaque battement de mon cœur amplifie la douleur. C'est comme si on m'arrachait le cœur de la poitrine.
Je sors du bureau haletante, incapable de croire à
ce que je viens d'entendre. Mon esprit vacille entre incompréhension et désespoir. Dans un dernier élan de soutien, je compose à nouveau le numéro de Kai, mon petit ami. Mais toujours rien. Silence. Depuis quelque temps, il est difficile à joindre. Kai gère son propre restaurant prestigieux en plein cœur de Manhattan. Ce lieu luxueux est devenu l'adresse incontournable pour les grandes occasions, un temple de la gastronomie réservé à une clientèle sélecte. Entre les réservations sans fin, les événements privés et l'exigence du service parfait, il a de moins en moins de temps. Chaque appel manqué est un coup supplémentaire porté à mon cœur.
Frustrée de ne pas pouvoir l'avoir au téléphone, je décide d'appeler Marianne, ma meilleure amie, la seule personne capable de m'apaiser quand tout semble s'effondrer. Marianne décroche après la deuxième sonnerie, sa voix enjouée à l'autre bout de la ligne contrastant violemment avec mon état d'esprit.

— Ma belle, qu'est-ce qui se passe ? demande-t-elle, percevant immédiatement que quelque chose ne va pas.

Je prends une profonde inspiration, mais dès que j'essaie de parler, ma voix se brise. Les mots se coincent dans ma gorge.

— Anne... elle est partie, parvins-je à murmurer, la douleur m'étouffant presque.

Un silence choqué s'installe de l'autre côté de la ligne.

— Oh mon Dieu... Je suis tellement désolée, souffle Marianne, sa voix plus douce cette fois. Où es-tu ? Tu veux que je vienne ?

— Non... Je ne sais pas. Je suis perdue. Je ne sais pas quoi faire.

— Ok, ok. On va gérer ça ensemble, dit-elle d'une voix rassurante. Tu es chez toi ?

— Je suis sur le point de rentrer...

— Bien. Je passe te prendre , d'accord ? On va s'en occuper ensemble. En attendant, essaie de respirer. Je suis là pour toi.

Je ferme les yeux, laissant sa voix douce me réconforter un instant. Elle est toujours là quand j'en ai besoin, sans poser de questions, sans me juger. Un soutien inconditionnel.

— Merci, Marianne. Je ne sais pas ce que je ferais sans toi.

— Tu n'as pas à le savoir. Tu n'es pas seule, ok ? On s'en sortira.

Je reste un moment figée après avoir raccroché, le téléphone encore dans la main, le cœur battant lourdement dans ma poitrine. Il faut que je parte. Anne résidait à Portland, dans le Maine. J'avais besoin de temps pour rassembler mes affaires et prendre un vol, mais chaque mouvement me semblait insurmontable. Heureusement, Marianne viendrait bientôt me chercher.
Quand j'arrive chez moi, tout me paraît flou. Chaque geste me coûte, comme si chaque seconde pesait un peu plus lourd. J'avance en pilote automatique, incapable de réfléchir clairement, concentrée uniquement sur la nécessité de partir. Je prends ma valise et commence à emballer ce dont j'aurai besoin.
Des vêtements, mon ordinateur, des affaires de toilette. Rien de plus. Le strict nécessaire.
Alors que je termine de remplir ma valise, une pensée s'impose à moi : Kai. Je ne peux pas partir sans lui laisser un mot. Peut-être qu'il le verra après son service et comprendra la situation. Peut-être qu'il se rendra compte que j'avais besoin de lui aujourd'hui, plus que jamais.
Je prends une feuille de papier et un stylo. L'encre glisse sur la page avec une lenteur frustrante, chaque mot pesant lourdement. Je ne trouve pas les bons mots, alors je fais simple. "Anne est décédée. Je vais à Portland. J'ai besoin de temps. Je t'appelle dès que je peux."
Je dépose le mot sur la table du salon, bien en vue, espérant qu'il le verra dès son retour.
Au moment où je referme ma valise, la porte de ma chambre s'ouvre , c'est Marianne.

— Prête ? demande-t-elle doucement en me prenant dans ses bras.

Je hoche la tête, incapable de parler. Elle me serre fort, puis attrape ma valise avant de me guider vers la porte.

— On y va. Je suis là avec toi, murmure-t-elle.

Nous descendons ensemble, le silence nous enveloppant, mais sa présence suffit à rendre l'instant un peu moins insupportable.
Dans le taxi vers l'aéroport, mon esprit ne cesse de tourbillonner. Comment Anne, en si parfaite santé, a-t-elle pu disparaître si subitement ? Il y a quelque chose de troublant dans tout cela, une pièce manquante que je ne parviens pas encore à saisir.

L'arrivée à Portland est une épreuve en elle-même. Anne vivait dans un complexe immobilier en bordure du quartier historique de la ville, une demeure aussi élégante qu'elle, imprégnée de souvenirs. Mais cette fois, tout est différent. Ce lieu, autrefois chaleureux et rassurant, est maintenant chargé d'un vide que rien ne semble pouvoir combler.En entrant dans l'appartement, une enveloppe m'attend sur la table basse, soigneusement posée. Mon nom est inscrit dessus, tracé dans son écriture raffinée que je reconnaîtrais entre mille. Mon cœur se serre. C'est son testament. Le dernier mot qu'Anne me laisse.
Je reste figée, incapable de l'ouvrir tout de suite. Une vague d'émotions m'envahit : amour, perte, et cette sensation oppressante qu'un mystère plane au-dessus de tout cela. Anne n'aurait jamais laissé les choses au hasard. Quelque chose se cache derrière cette lettre. Je le sens. Et c'est à moi de découvrir quoi.

📜📜📜

Le cimetière est calme, presque oppressant. Les nuages bas alourdissent l'air, et une légère brise agite les feuilles autour de moi. Je frissonne, mais ce n'est pas à cause du froid.Des inconnus m'entourent, des visages austères, des murmures échangés à voix basse. Chaque regard posé sur moi semble pesant, comme s'ils savaient quelque chose que j'ignore.Je serre les bras contre moi, me sentant étrangement isolée. Tous ces gens étaient-ils vraiment proches d'Anne ? Pourquoi est-ce que je ne reconnais personne ?
Puis mon regard tombe sur lui.
Une présence inquiétante

Il se tient à l'écart, légèrement en retrait, mais tout en lui capte mon attention. C'est comme si l'air autour de lui devenait plus lourd.
Grand et imposant, il porte un costume noir parfaitement taillé, mais il n'a rien d'un simple invité. Il est trop calme, trop rigide, comme s'il jouait un rôle qu'il connaissait bien.

Mon cœur s'emballe. Quelque chose cloche. Ce n'est pas seulement sa stature ou son allure... il ne m'inspire pas confiance.Ses cheveux noirs soigneusement coiffés révèlent un visage fermé et anguleux, une mâchoire serrée, et surtout... ses yeux.
Ils sont gris, glacials, et lorsqu'ils balayent la foule, je sens une vague d'inquiétude m'envahir. Ce regard n'est pas celui d'un homme en deuil. Il analyse. Il évalue.Une question me traverse l'esprit : "Que fait un homme comme lui ici ?"

Nos regards se croisent

Je voudrais détourner les yeux, mais je n'y arrive pas.

Nos regards se croisent, et un frisson glacial me parcourt la colonne vertébrale.Il ne me regarde pas comme les autres invités. C'est un regard froid, distant, calculateur. Comme si je n'étais qu'une inconnue sans importance, une pièce dans un jeu qu'il domine déjà.La peur s'installe. Ce n'est pas de la panique, mais un malaise profond, un instinct primal qui me hurle que cet homme est dangereux.Je cligne des yeux, et il détourne le regard, comme si je n'avais jamais existé.Je respire enfin, mais je reste figée, tremblante.
Qui est-il ? Pourquoi est-il là ? Et surtout, qu'a-t-il à voir avec Anne ?

Le prêtre continue de parler, mais je n'entends plus rien. Tout ce que je ressens, c'est la présence écrasante de cet inconnu, même après qu'il ait disparu de mon champ de vision.
Je m'avance doucement vers le cercueil. Chaque pas est une épreuve. Le poids de l'absence d'Anne et le malaise persistant que cet homme a semé en moi me serrent la poitrine.

Je dépose une rose blanche sur le bois poli, mes mains tremblantes.

— "Au revoir, Anne," je murmure d'une voix brisée. "Je découvrirai ce que tu voulais me dire. Je te le promets."

Alors que je recule du cercueil, je scrute à nouveau la foule. L'homme a disparu, comme s'il n'avait jamais été là.

Mais le frisson persiste. Quelque chose ne va pas. Anne n'aurait jamais laissé les choses au hasard, et la présence de cet homme n'est pas une coïncidence.

Je serre les pans de mon manteau autour de moi, luttant contre le sentiment oppressant qui m'envahit.

Je le sais. Cette lettre... cette journée... quelque chose de bien plus grand se cache derrière tout ça. Et c'est à moi de découvrir quoi.

Sombre attirance Où les histoires vivent. Découvrez maintenant