Conte de l'Aube et du Crépuscule

- 11 - La dangereuse ambition du Premier ministre

Ce matin-là, quand Jaspe frappa à la porte de sa chambre, Béryl était déjà entre les mains expertes de Rochette. La jeune fille avait été horrifiée en voyant l'état dans lequel sa maîtresse était revenue du désert. La peau sèche, les mains écorchées, les cheveux cassants et emmêlés. La liste de ses griefs était longue. Aussi faisait-elle de son mieux pour effacer les traces des épreuves que Béryl avait traversées.

Jaspe attrapa une chaise et vint s'asseoir à côté de sa sœur.

— Tu n'es pas encore prête ? demanda-t-il de façon bien inutile.

— Le rendez-vous avec la reine est dans une heure, je ne suis pas en retard, lui fit remarquer Béryl.

— Que vas-tu lui dire ?

Béryl haussa les épaules.

— Tout ce que je sais, bien sûr, quoi d'autre ? Ne me dis pas que toi, Jaspe, tu voudrais que je lui mente ?

Son frère s'agita avec malaise sur son siège.

— Non, bien sûr que non.

Rochette toussota.

— Désirez-vous que je me retire ? demanda-t-elle en posant la brosse sur le bord de la coiffeuse, bien chargée en produits de toute sorte.

— Restez, la retint Jaspe. Sinon, Béryl sera vraiment en retard.

— Pourquoi es-tu là ? interrogea celle-ci avant qu'un silence gênant ne s'installe entre eux.

Jaspe se frotta l'arrière du crâne et grimaça.

— Je voulais faire le point avec toi et vérifier que j'avais bien compris tous les détails.

Béryl lissa avec satisfaction les manches de sa robe. Comme cela devait lui coûter d'admettre que sa petite sœur, charmante, mais inutile, pouvait en savoir plus que lui.

— Le Grand Prêtre du Dragon Rubis a manipulé Agate pour qu'elle l'aide dans ses desseins, commença-t-elle. Elle lui a fourni des informations sur nous, en lui parlant de la liste que tu dressais sur Acacia, par exemple. Il a cherché à créer des querelles entre toi et Acacia pour que l'un de vous rompe les fiançailles. Quand il a vu que ça ne suffisait pas, il a embauché des mercenaires pour nous tendre un piège dans le désert.

Jaspe secoua la tête avec accablement.

— Je ne comprends pas. Pourquoi mademoiselle Agate aurait-elle fait cela ? Ça ne tient pas debout.

Béryl se mit à pianoter nerveusement sur la coiffeuse. Elle aurait préféré ne pas divulguer ce secret, cependant on pouvait considérer qu'il s'agissait d'une circonstance atténuante à sa trahison. Agate n'avait pas quitté sa chambre depuis leur retour. Béryl lui était reconnaissante de la voir s'infliger elle-même la punition qu'il lui aurait été si difficile d'imposer. Elle ne risquait donc pas de tomber sur un Jaspe averti et désormais incapable de se comporter naturellement avec elle.