La réponse de la reine à l'incident survenu entre les deux Grands Prêtres fut simple et directe. Elle invita la délégation aubéenne à participer à un office du Dragon Rubis.
— Je pensais laisser de côté la question épineuse de la religion dans un premier temps, avait-elle dit. Malheureusement, puisque cela semble impossible, j'espère que découvrir nos rites les rendra moins étranges ou moins inquiétants à vos yeux. Aucun progrès vers la paix ne sera envisageable sans cet effort de compréhension.
Alors qu'il se préparait pour aller au temple, Jaspe s'interrogeait tout en s'examinant d'un œil critique dans le grand miroir de sa chambre. Il ne pouvait que saluer l'initiative de la reine pour désamorcer la tension qui aurait pu naître de l'affrontement des deux prêtres, mais chaque fibre de son être redoutait de se joindre à la glorification du Dragon Rubis, le bourreau du puissant Dragon d'Or. Il réajusta une énième fois sur son épaule sa bandoulière de ceinturon qui n'avait pas besoin de l'être. Quels mensonges allaient-ils entendre ? Y assister ne les rendraient-ils pas complices de cette perversion de la réalité ? Est-ce que voir sa fiancée y participer ne changerait pas le regard qu'il portait sur elle ? Il aurait préféré que le sujet de la religion ne vienne jamais sur le tapis avant sa conversion programmée. Et après, la question n'aurait plus eu lieu d'être.
Ce fut avec un certain malaise qu'il sortit de ses appartements. Les deux gardes qui stationnaient à sa porte le prirent aussitôt en charge. À mesure qu'il rejoignait les autres membres de la délégation, il constata que tous étaient escortés. Ce n'était pas la première fois qu'il notait l'importance de la présence militaire dans le palais et il s'en inquiéta.
Le palais royal possédait son propre temple, il s'élevait au bout d'une aile. Son dôme écarlate surplombé d'une statue de dragon en pierre brillait au soleil. C'était devant son esplanade que les Aubéens avaient été guidés.
Dès que Jaspe aperçut les larges épaules du capitaine des gardes dans son uniforme militaire, il se dirigea vers lui.
— Capitaine, que pensez-vous du déploiement de la sécurité dans le palais ? lui glissa-t-il.
Il lui rendit un regard préoccupé.
— Je me suis aussi posé la question, Votre Altesse. J'estime la présence de gardes assez élevée, toutefois j'ignore leurs habitudes en la matière. Dans le doute, je vais demander à Grès et Ferris de venir en renfort pour monter la garde dans votre couloir. Avec une poignée d'autres. Je ne sais pas si les précautions des Crépusculaires reposent sur des craintes réelles, mais mieux vaut se montrer prudent.
Jaspe le remercia avant de s'éloigner. Un autre de ses compatriotes avait attiré son attention. Entouré de son escorte religieuse habituelle, le Grand Prêtre du Dragon d'Or promenait un regard furibond autour de lui.
— J'aimerais comprendre la signification de cette mascarade, lâcha-t-il dès qu'il vit Jaspe.
Le prince sentit la colère monter dans sa poitrine, son poing se serra.
— Cette mascarade, comme vous dites, est le résultat de votre scandaleuse conduite d'hier, répondit-il sèchement. J'aurais espéré que votre présence soit synonyme de soutien et de guidance, et non de honte et de déshonneur.
Le prélat accusa le coup. Ses narines palpitèrent et sa bouche se pinça.
— Puisque vous parlez d'honneur, quel homme d'honneur laissera sa foi être bafouée devant lui sans élever la voix ? dit-il d'un ton guindé.
— La voix n'est pas la seule chose que vous ayez élevée, si la mémoire ne me fait pas défaut. La foi ne doit pas être un prétexte pour justifier des comportements inacceptables.
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Conte de l'Aube et du Crépuscule
Fantasia"Il était une fois deux royaumes, en guerre depuis des siècles. Deux royaumes que tout opposait sinon les souffrances nées du conflit. Il était une fois un roi et une reine, las de la guerre. Un roi et une reine qui surent mettre de côté la rancœur...