- 8 - La Ville

9 3 0
                                    


Acacia entraîna Jaspe à l'écart de la foule sous une série d'arches qui les mena jusqu'à un grand arbre au pied duquel se trouvaient des bancs. Ses branches basses effleurèrent les cheveux blonds du jeune homme et il réalisa qu'il avait laissé sa toque sur la tête de sa sœur.

— De quoi vouliez-vous me parler ? demanda Acacia avec un sourire incertain.

— Je souhaitais d'abord m'excuser de l'accident au temple et vous garantir sur mon honneur que je n'y étais pour rien.

Il posa une main solennelle sur sa poitrine pour appuyer ses dires.

Surprise, Acacia esquissa un geste comme pour balayer un sujet insignifiant.

— Soyez assuré que je ne l'ai jamais cru, dit-elle. Je ne serais pas étonnée que ce soit...

Elle s'interrompit en se mordant la lèvre.

— Oui ?

— Non, non, oubliez-ça, je n'ai rien dit, se hâta-t-elle d'ajouter. Était-ce la seule chose que vous vouliez me dire ?

— Eh bien, je me demandais si vous pouviez me faire visiter les écuries. Nous en avons à peine parlé hier, pourtant je dois vous confier que j'adore les chevaux, et...

Jaspe s'interrompit. Contre toute attente, Acacia avait baissé la tête. Le regard fuyant, elle croisa les bras derrière son dos.

— Je m'excuse, je ne voulais pas vous donner de faux espoirs, mais cela ne va pas être possible.

— Je ne comprends pas, s'étonna Jaspe. Pourquoi donc ?

Acacia se troubla encore davantage.

— Ma mère m'a inter... enfin, je veux dire que la reine ne désire pas..., euh, la reine a jugé que cette visite n'était pas souhaitable. Voilà, je suis désolée.

Elle fit une rapide courbette et attrapa sa jupe à deux mains pour s'éloigner d'un pas pressé. Jaspe la suivit du regard avec déception. Pourquoi la reine aurait-elle interdit une telle visite ? Les écuries recelaient-elles des secrets de matériel ou d'élevage qu'elle désirait conserver ?

Lorsque Jaspe rejoignit le groupe des Aubéens dans le hall d'entrée du palais, il fut accueilli par les sourcils froncés de dame Cornaline. Sous sa longue robe noire, son pied battait la mesure de son mécontentement.

— Votre Altesse, j'espère que vous ne supposez pas que votre titre vous place au-dessus des convenances. J'attendais mieux de votre part.

Jaspe rougit comme un enfant pris en faute.

— Absolument pas, ma tante, balbutia-t-il. Je n'ai jamais supposé une telle chose.

— Eh bien, je l'espère. Je vous ai vu vous éloigner seul avec la princesse Acacia. La réputation de votre future épouse ou la vôtre ne vous importent peut-être guère, pourtant je suis là pour les protéger. Et je ne craindrais pas de vous tirer les oreilles si vous vous oubliez.

Le préciser était bien inutile. Jaspe était tout à fait conscient qu'elle n'hésiterait pas à le traîner par l'oreille dans la salle du trône de la reine Orchidée si jamais sa conduite la mécontentait. L'image lui évoqua d'ailleurs un souvenir d'enfance particulièrement déplaisant.

— Oui, ma tante, désolé, ma tante, je m'en souviendrai, ma tante, marmonna-t-il de mauvaise grâce en s'éloignant.

Levant la tête, il vit sa sœur postée dans les escaliers aux degrés de mosaïque bleue. Elle le regardait venir à sa rencontre, le visage à demi dissimulé derrière son éventail. Lorsqu'il arriva à son niveau, elle se mit à trottiner à ses côtés.

Conte de l'Aube et du CrépusculeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant