Malgré l'importance de la nouvelle, Béryl ne la garda pas longtemps en tête. Lorsque plus tard dans la journée, elle regagna sa chambre pour y découvrir Rochette s'activer autour d'une malle grande ouverte, la réalisation lui tomba dessus comme un seau d'eau glacée.
Leur séjour touchait à sa fin.
Prise dans le tourbillon frénétique des nouveautés, des visites, des banquets, des soirées et des spectacles, elle n'avait pas vu les jours défiler. Ses genoux fléchirent et Béryl dut s'appuyer contre le chambranle de la porte.
— Votre Altesse, vous allez bien ? s'inquiéta Rochette. Vous avez l'air fort pâle, tout à coup.
— Je vais bien, la rassura-t-elle. Je ne pensais pas le départ si proche.
Rochette s'assombrit. Sans un mot de plus, elle se plongea dans le pliage des robes de sa maîtresse. Béryl fut incapable de trouver les arguments qui la dérideraient.
L'instant d'après, elle s'installait dans le carrosse qui devait la ramener au Royaume de l'Aube. Du moins, c'est l'effet que cela lui fit. Le dernier banquet, le défilé d'officiels qui avait suivi, les adieux sur le parvis du palais, tous ces instants avaient fusionné en une masse dont rien de notable se détachait.
Lorsque les faubourgs d'Iridièn ne furent plus qu'un souvenir, les voyageurs commencèrent à parler, à voix basse.
— Je ne suis pas fâchée de rentrer, disait tante Cornaline. Leur nourriture est bonne, mais vraiment trop sucrée. J'ai hâte de pouvoir à nouveau goûter à un grand bol de ragoût de pommes de terre.
— Je me demande ce qu'il s'est passé en notre absence, ajouta Jaspe. Y a-t-il eu des mouvements de protestation, comme ici ? Cela m'inquiète.
— Bien sûr que non, voyons, chez nous le peuple est plus docile, répondit le cousin Pyrite. Les quelques missives que j'ai reçues d'Albàn m'ont assuré que le calme y règne. Si bien que je n'ai pas jugé utile de vous transmettre cette information.
Béryl appuya son front contre la vitre de toutes ses forces et ferma les yeux pour se couper de l'habitacle et de ses discussions oiseuses. Elle n'avait aucune envie de se projeter de retour à Albàn. Elle s'était sentie si bien ici, loin des regards scrutateurs qui n'attendaient d'elle qu'une perfection de façade. Elle aurait dû s'en estimer heureuse. C'était une chance inespérée d'apprécier autant un futur royaume qu'elle n'avait pas choisi.
Ses pensées la ramenèrent aux derniers instants avant le départ. Saule se tenait devant elle. Béryl ne l'avait jamais vu aussi étincelant. De ses dents, aux sequins brodés sur ses manches, en passant par les perles tressées dans ses cheveux. Avec un sourire charmant, il s'était incliné pour baiser sa main et lui avait glissé au poignet un bracelet fin en or martelé. Quelles avaient été ses paroles déjà ? Ah oui, « J'ai grand-hâte de vous revoir, ces deux mois s'écouleront vite. ». Pourquoi avait-il attendu le dernier moment pour apparaître brusquement comme le fiancé idéal ? Elle se posait encore la question. Peut-être que l'idée d'être libéré de sa présence lui donnait soudain le naturel dont il avait cruellement manqué durant tout le séjour ? Ce jugement n'était flatteur ni pour elle ni pour lui, et sans doute biaisé, mais elle ne parvenait pas à se l'ôter de l'esprit.
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Conte de l'Aube et du Crépuscule
Fantasy"Il était une fois deux royaumes, en guerre depuis des siècles. Deux royaumes que tout opposait sinon les souffrances nées du conflit. Il était une fois un roi et une reine, las de la guerre. Un roi et une reine qui surent mettre de côté la rancœur...