(Si vous souhaitez une analyse d'un de vos écrits semblable à celle ci, contactez moi ici ou sur mon Babillard !)
Analyse du chapitre 1 de Rose fanée écrit par @Ondine_8 : réaliste, prose poétique.
(Il vous est conseillé de le lire !)
Il s'agit d'un texte à la fois réaliste et poétique autour de la prostitution, joliment écrit et nourri d'inspirations et de références que je n'ai pas forcément. C'est pourquoi je vous invite aussi à voir le chapitre "compléments" de Rose fanée, qui traite d'une part de la prostitution et de ses chiffres, et d'autre part de Slimane des sources d'inspiration (Slimane avec les roses du Bois de Boulogne, Bigflo et Oli dans Salope !...).
Le texte est une forme de monologue intérieur d'une jeune femme qui attend dans la nuit, à Boulogne. Elle exerce le "plus vieux métier du monde", comme elle le dit dès le début. Elle occupe une place marginale dans la société : exclue, elle dénonce l'hypocrisie d'une société (patriarcale) qui bénéficie de ses services tout en lui reprochant son activité. La deuxième phrase, "on pourrait me confondre avec un lampadaire", montre d'une manière originale la déshumanisation. Réduite à un objet, réifiée (la réification est, en somme, l'inverse de la personnification), elle se montre pourtant humaine, dans ce monologue intérieur.
A t elle choisi d'être prostituée ? Comme elle le dit, "la notion de choix est très ambigüe dans la profession" : elle-même ne l'a pas eu.
La rose
Comparer une femme à une fleur, c'est une métaphore classique, c'est même un topos en poésie. Avec, parfois, l'éphémère, (ex. Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose Ronsard) car la rose finit par faner : souvent avec un regard masculin (= male gaze), donc dominant dans la société, on rappelle que la rose perdra son éclat et ses couleurs. Dans une perspective féministe, il y a un jeunisme concernant les femmes : à quarante/cinquante ans, une femme est périmée (puisque l'intérêt des femmes, c'est la séduction et les enfants !).
Mais ici, le cas est un peu différent. Déjà, parce que le point de vue est celui du personnage lui-même, et sur lui-même. Elle se décrit elle-même comme une rose, dans une métaphore filée. Ainsi, les pétales qu'elle perd représentent ses blessures, les épines la violence, et si les roses fanent chaque année, elles poussent chaque année également. Et puis, la femme ici comparée à une fleur exerce un métier pas comme les autres : il est dit que certaines femmes le font par besoin d'argent, car c'est un métier comme un autre. Mais plus tard, la narratrice revient sur ce propos : les femmes sont comme prises au piège, elles n'ont pas été prévenues qu'il est presque impossible d'en sortir quand on y entre.
La rose est aussi, avec la mention de la lune, une façon de rester digne. La chanson de Slimane évoque cette dignité. Les propos de la femme, excepté lorsqu'elle traite des proxénètes de "connards", restent mesurés, son ton désabusé demeure beau à lire.
Solitude et désespoir
Dans sa construction, le texte semble presque un poème, avec la présentation en saut de lignes. Il traduit la solitude désespérée de cette femme, ses clients ne la connaissent pas et ne chercheront pas à la connaître, c'est une femme de la nuit, ce qui renvoie à l'angoisse, à l'anonymat, à la marginalité... Petite parenthèse un peu hors sujet : il est question d'un éclairage public vétuste, et de la lune. Or, j'ai eu l'occasion de me renseigner sur l'éclairage public (d'un point de vue écologique : énergie, biodiversité) et lorsqu'une ville pense à procéder aux extinctions, se pose la question des marginaux (sans abris, ou prostituées). Dans un document que j'ai pu lire, il était bien précisé que parler des marginaux ne devait pas revenir à banaliser leur situation, admettre qu'il y a des sans abris dans les faits (c'est normal) ne revient pas à dire que c'est acceptable. Parenthèse refermée.
Elle ne cherche pas d'aide, et ses larmes "ne cicatrisent pas ses blessures", mais les entretiennent. De toute façon, un espoir, une aide, serait "un pansement" sur une hémorragie. Il est question, avec un euphémisme, de "caresses", qui trop fortes, provoquent des hématomes. Le corps et plus exactement les blessures sont présents.
Les phrases courtes et percutantes, stylistiquement, n'empêchent pas la fluidité, du fait des énumérations, par exemple. Ainsi, "un travail comme un autre"... sera corrigé par "un travail qui détruit", "un travail qui ronge de l'intérieur"... bref, une anaphore.
A partit de l'expression "être au fond du trou", le personnage sait qu'il tombera toujours plus bas : deux temps, le présent (l'immédiat) et le futur (ici, des perspectives sombres) dominent le texte. Des termes comme "jamais" évoquent presque la fatalité, mais l'évocation de la "société" pointe bien l'origine de son malheur, et le regard (ou plutôt, le regard détourné) que l'on peut porter sur une prostituée.
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En dépit de la douceur du langage, ce texte prend une teinte profondément pessimiste et sombre. C'est une chute perpétuelle. Les éllipses (la jeune femme ne raconte pas crûment ce qui se passe) servent souvent, en littérature, à cacher des scènes taboues. Mais ici, c'est moins le tabou social que la douleur : mieux vaut oublier, s'oublier, et ne penser qu'au salaire.
Matière à réfléchir, matière à comprendre un point de vue : celui de cette jeune femme, qui attend son "bandit".
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Merci @Ondine_8 pour ce moment de lecture.
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Au début
Nonfiksi[OUVERT] Par où commencer ? Soumettez moi vos histoires et j'en analyse le début ! Ceci est un projet qui se veut un florilège, en quête de perles Wattpad. Un peu à l'image du prix de la Page 111, je n'analyserai que le début, appelé "incipit" par...