Mon rythme est un peu plus lent, voire beaucoup plus, néanmoins, j'aimerais analyser une œuvre de fantasy et plus précisément son premier chapitre (le prologue étant bref) Solitude partie 1 dans la partie les prémices d'un désastre.
@Sherazade2384 en est l'autrice. Il s'agit d'une "paix fragile", d'un mage et de cinq élus, mais on commence par l'histoire du jeune Mezhelan. Cinq personnages sont au cœur d'une prophétie, des élus, à chacun est associé une couleur (ex. le maître rouge), c'est ce que dit le prologue. Mais le premier chapitre, qui nous immerge dans l'action, montre un huis clos, une demeure de Cour, "l'immense demeure d'un roi". Le style d'écriture est beau, il n'en fait pas trop et se concentre sur l'essentiel, et le jeune héros de quatorze ans, enfermé, fait une rencontre. C'est la rencontre et le dialogue qui constituent la matière du chapitre tout en nous en apprenant un peu sur la situation. Lisez ce début !
Dialogue et non-dits
En fantasy, la magie remplit un rôle actif et déterminant pour l'histoire, sa maîtrise constitue un enjeu. C'est pourquoi l'on a souvent (comme ici) des relations de maîtres à disciples (ex. dans Pug l'apprenti de Feist, Pug est disciple du magicien Kulgan). Dans notre histoire, la focalisation semble externe et assez neutre (comme dans mon roman Après vous) : dès le début, l'adolescent est décrit comme allongé à même un sol, dans son attitude (il lit avec intérêt) et physiquement (prosopographie : couleur de cheveux et d'yeux). On comprend assez vite que le garçon a un maître : c'est un professeur dont il est l'apprenti, et non un maître d'esclave ou un patron. On sait peu de choses de lui, sinon qu'il l'enferme. La suite apparaît au compte goutte : une fois, il l'a laissé enfermé pendant une semaine, et c'est à partir de là que le roi lui a donné accès au jardin. La prophétie mentionnée au prologue apparaît quant à elle sous forme d'un livre au sein d'une bibliothèque secrète qui semble fasciner Mezhelan, puisqu'il revient toujours au livre, comme attiré par un magnétisme.
Quelle est la fonction du dialogue de ce chapitre ? Bien sûr, il permet de voir Mezhelan, de le cerner, de l'extraire de sa solitude, et l'on voit d'ailleurs qu'il est mal à l'aise en société, en présence de la fille noble. Mais je pense aussi que c'est une autre forme de narration, qui comble les lacunes de la narration externe en nous (les lecteurs) distribuant de l'information au compte goutte. Pourtant, on ignore pas mal de choses. Le rôle de la parole est aussi de pointer les mystères : le fait que le maître délaisse le héros, par exemple, ou l'existence et les pouvoirs de la magie, assez esthétisée (par les jeux d'eau pouvait évoquer Versailles).
Dans le dialogue entre la fille de quinze ans et le garçon de quatorze, on découvre dans un très léger comique ce que peuvent être les relations entre une jeune fille rangée (j'emprunte l'expression à De Beauvoir); dont le comportement (ramper sous une haie) ne correspond pas à l'attente sociale, et un apprenti cloîtré et isolé du monde, dans un huis-clos évoquant presque une tour d'ivoire. Le garçon lui parle maladroitement de sa beauté, ce qui ne se fait pas à moins d'être un dragueur lourdingue. (ce qu'il n'est pas : on a plutôt l'impression qu'il ne parle jamais à personne et ne sait donc pas comment s'y prendre). C'est, à travers ce dialogue, la situation de deux personnages très éloignés par les informations qu'ils détiennent : la noble connaît un peu le monde du dehors et le garçon dispose d'informations sur la magie.
Le héros n'est pas un monstre.
Le monstre a pour étymologie "monstrum", montrer : c'est celui que l'on montre du doigt, c'est l'autre. On ne s'identifie pas à un monstre. Ici, Mezhelan est le nouveau sorcier, ou le futur sorcier : il suscite la crainte, va t il changer Alina, la jeune fille, en crapaud ? (trait d'humour : elle n'apprécierait pas spécialement la vie de crapaud, ce qui est une litote). Mais il a beau être sorcier, cela n'en fait pas un monstre ! Inhumain et "méchant", ou bête de foire, peu importe, il aimerait ne pas susciter la crainte.
C'est peut être aussi le début d'une forme d'amitié, alors qu'il remarque que sa condition n'est peut être pas idéale. Le garçon "imite les gestes simples de la sociabilité", et même l'imitation, soit le comportement purement externe, il a du mal. D'un autre côté, il vit cloitré en château et ignore les malheurs du monde, même si les livres, dont certains traitent de magie, peuvent constituer une porte d'entrée.
Alors que le maître s'absente, lui est enfermé au château. La jeune fille, Alina, remarque que le titre de monstre devrait plutôt lui revenir. Bien que la narration demeure neutre, on a une assez "mauvaise" impression de ce maître, qui, puissant, interdit l'extérieur à son disciple et semble ne rien lui enseigner. Il l'enferme à clé, signe d'absence de confiance et dénotant une certaine violence. De plus, la jeune fille s'identifie moins à lui, il est loin pour ne pas dire absent et plus âgé. La sympathie et les affinités d'Alina et du lecteur se tournera vers le disciple plutôt que vers le maître.
***
J'ai peu cité le texte et de fait il est assez long, un quart d'heure de lecture, je n'ai donc pas la même approche que sur un bref texte. Me pencher de manière minutieuse sur un texte n'a pas été l'approche du jour (ou de la nuit, il est trois heures du matin !), j'ai privilégié une lecture plus globale, car le texte s'y prête à mon humble avis.
A mon sens, il m'a plu, il m'a l'air d'une fantasy classique mais on se sent pris d'amitié pour les deux protagonistes, encore des "tables rases", c'est à dire qu'ils ont encore beaucoup à apprendre et n'ont pas encore de caractère défini.
Je remercie l'autrice, @Sherazade2384 pour ce moment de lecture.
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Au début
Non-Fiction[FERME] Par où commencer ? Soumettez moi vos histoires et j'en analyse le début ! Ceci est un projet qui se veut un florilège, en quête de perles Wattpad. Un peu à l'image du prix de la Page 111, je n'analyserai que le début, appelé "incipit" par...