Analyse : Haut dans la stratosphère

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Le début de roman du chapitre précédent, je l'analyse ici. Pour rappel, il a été écrit par @coeur_frambi et relève de la fantasy/science-fiction, selon l'autrice. Il ne figure pas sur Wattpad (vous pouvez le lire au chapitre précédent), ce qui constitue une entorse aux principes de ce livre. 

"Chez les Grecs les dieux ne créent pas le monde, ils sont le monde" (Colette Jourdain-Hannequin, le petit livre des grands mythes -> bien qu'il ne soit pas question de mythes grecs, j'ai l'impression que les dieux sont, à l'image des dieux grecs primitifs, ex. Gaïa, Ouranos... des incarnations d'éléments). 

Le début met en scène des dieux, et l'enjeu n'est ni plus ni moins que la fin du monde (préoccupation eschatologique, si vous voulez un mot imposant). Ils siègent au Conseil, quelque part au centre de l'univers. L'univers a t il un centre ? (sachant qu'il est en perpétuelle expansion). (Luke Skywalker à C3PO à propos de sa planète, Tatoine : "Si l'univers a un centre, tu es sur un point très éloigné"). 

Mais ici, on ne parle pas de physique, mais de mythes. Sauf qu'il ne s'agit pas du début, mais de la fin : ce n'est donc pas tout à fait une cosmogonie, même s'il est question de dieux.  Le Conseil (avec une majuscule, comme souvent en fantasy) statue sur un Chaos, qui ne semble pas précéder (peut être, mais ce n'est pas précisé), mais suivre.

Le langage est assez fourni, la syntaxe est complexe, ce qui donne des "belles phrases". Au lieu d'écrire, par exemple, Silf sourit, il sera question de ses lèvres qui "se tordirent en un rictus prononcé", ce qui visuellement est préférable avec l'effet épique. 

Le divin 

L'autrice a créé le terme "Ilanjies" (êtres-étoiles), pour désigner des créatures, ou des entités, aux caractéristiques proches de nos divinités. "Géants", "forts", ils sont connus et respectés du temps et de l'espace. (D'ailleurs, les phrases commençant par "géants" et "forts" me semblent étranges syntaxiquement, car si la phrase commence par "géants", le sujet devrait être les entités géantes, ce qui m'a un peu perturbé.e à la première lecture). Ils incarnent les éléments, ce qui donne une tonalité alchimique ou ésotérique à l'œuvre : les quatre éléments, par exemple, se retrouvent chez Aristote. Ici, ils sont au nombre de sept, et sont désignés par des épithètes mélioratifs : sages, puissants, intelligents, de même pour l'allure de Vel. Son armure est désignée comme pâle, ce qui peut sembler contre-intuitif mais montre les deux aspects de la déesse, les aspects guerrier et étincelant. 

 Sont ils pour autant omniscients ? Non, du moins face à la menace : une gradation, le système, puis l'univers, puis enfin les dieux eux-mêmes (car ils sont plus puissants encore) sont menacés. D'ailleurs la parole de Vel,  "le futur est incertain", montre qu'ils n'ont pas (forcément) la capacité de le connaître, même si elle le dit en réponse à Silf, donc sous le coup de la colère et de la haine. 

Un élément déclencheur et une antagoniste 

Une chose qui m'a semblée belle, ce sont les yeux d'un vert électrique de Silf, qui reflètent la haine de Vel : comme si la haine était "réfléchie" par un miroir (c'est ici la caractéristique des yeux) et métaphoriquement renvoyée, comme une haine réciproque. A l'emportement colérique de la guerrière Vel, Silf répond par du mépris, un rictus (et, auparavant, une intervention non constructive). En tant qu'antagoniste, ce personnage s'exclut du groupe des dieux : elle est plus grande qu'eux, et déclare "vos élus ne seront jamais prêts", s'adressant aux autres dieux et s'excluant donc du groupe. Mon avis personnel, purement personnel, est que le mépris est pire que la haine et la colère, que pour mépriser il faut se permettre d'être puissant et privilégié. D'ailleurs, parenthèse : le racisme est à mon sens davantage mépris que haine (même si cette dernière peut se manifester). 

Mais revenons à Silf. C'est une antagoniste qui suscite la colère, par exemple de Draress, le dieu du Feu, portant une armure de lave (de roche) et intéressant dans sa colère "contradictoire", à l'image du feu qui est représenté comme la passion, la chaleur et la destruction. De même, Vel semble en colère mais bienveillante, guerrière mais cherchant à protéger le monde. L'oxymore "grâce meurtrière" est à cette image. En revanche, Silf, dans ses attributs divins (ex. elle porte de l'obsidienne, une roche noire) est présentée comme la "méchante" de l'histoire, dont on ignore les motivations, mais qui possède une information qu'elle ne donne qu'à un certain moment, et  qui clôt le prologue : la mort des Elus. Elle joue avec la situation : les dieux n'ont rien à perdre (sous entendu : ils doivent tenter de se battre, s'ils échouent, c'est comme s'ils ne faisaient rien, et s'ils gagnent, ils seront sauvés). Elle la retourne : les dieux n'ont littéralement rien à perdre, puisque les Elus sont morts ! (puisque s'emploie normalement pour des choses évidentes, déjà connues : or, ici, Silf donne une information, nouvelle, en faisant, par le choix de ce terme, comme si les dieux étaient déjà au courant : ah bon, vous ne saviez pas qu'ils étaient morts ? Oups ! Ah bah maintenant vous savez. Ce qui est conscient de sa part, sarcastique, et sadique.)

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Elle annonce donc une bataille perdue d'avance, dans de belles et classiques descriptions. Je dirais en effet que la situation (des Elus, un Conseil) est classique en fantasy, mais elle reste  bien exploitée et prometteuse. "A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire"  (Corneille) : et en fiction, surtout en imaginaire (SFFF),  il faut parfois un fort enjeu pour qu'une histoire se déclenche. Ici, cela semble presque sans espoir. Et pourtant... nous sommes au début d'une histoire. 

Merci à Cœur Frambi pour ce moment de lecture. 

Je reprendrai des analyses Wattpadiennes dès le prochain chapitre. 

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