La tueuse & le Guérisseur, tome 1

Chapitre 15 : Alexander

Le Club Inferno est plongé dans une lumière tamisée, les éclats rouges et violets dansant sur les murs alors que la musique assourdissante vibre sous nos pieds. Encore ce club, mais ce soir, je ne bois pas. Je me tiens, à côté de Marcus, comme je l'ai toujours fait. Mais cette fois-ci, mon esprit est ailleurs.

Je ne peux pas m'empêcher de penser à Valeria. Depuis son réveil, il y a quelque chose en elle qui me trouble plus que je ne veuille l'admettre. Ce n'est pas seulement la manière dont elle a survécu à cette balle ni la force qu'elle dégage malgré sa fragilité apparente. C'est son regard. Un vert de pierre précieuse, perçant, qui semble voir au-delà de ce que je montre. Chaque fois que je la regarde, je ressens cette étrange impression qu'elle me teste, qu'elle observe chaque détail de mes réactions. Et cette aura de force. Elle n'est pas une femme comme les autres. Elle a une résistance, une volonté qui la rend différente. C'est comme si, malgré son corps affaibli, elle contrôlait toujours la situation. Cela me trouble. Je devrais être celui qui garde le contrôle, qui réfléchit, et pourtant...

— Alexander, t'es là avec nous ou tu rêves encore de ojo de gato ? lance mon frère, un sourire narquois étirant ses lèvres alors qu'il tire une bouffée de sa cigarette.

Je l'ignore, mon regard se détournant vers la salle bondée de corps en mouvement. À côté de lui, Lola Delgado, qui gère les affaires de prostitution pour nous, discute avec lui d'un ton léger, mais je sais qu'il y a toujours des sous-entendus dans ses paroles. Lola est intelligente, une manipulatrice née, et elle gère ce club avec une poigne de fer dissimulée sous des gants de velours.

Je me redresse légèrement, mon attention glissant vers leur conversation.

— Je te dis juste que cette Valeria... il y a quelque chose qui cloche, souffle Lola tout en regardant Marcus du coin de l'œil. J'ai demandé à mes filles de faire quelques recherches. Aucun des clients réguliers n'a jamais entendu parler d'elle, et personne ne sait d'où elle vient.

Ses paroles résonnent en moi, et je me force à ne pas réagir. Valeria. Ce nom résonne désormais comme un mystère, un écho qui revient sans cesse depuis son arrivée dans notre vie. Mais ce n'est pas seulement son nom qui attire les soupçons. C'est aussi la manière dont elle est arrivée, presque par hasard, dans notre monde. Pourtant elle ne semble pas un hasard pour mon frère.

Je croise les bras, mes yeux toujours fixés sur Lola, mais mon esprit est ailleurs. Je repense à l'accent de Valeria, un accent subtil, bien dissimulé, mais présent. Ce n'est pas celui d'une locale. Elle vient de loin plus au sud de l'Amérique.

— Tu as demandé à qui ? peste Marcus en soufflant une nouvelle bouffée de fumée, ses yeux se plissant légèrement.

Lola hausse les épaules avec nonchalance.

— À tous ceux qui sont de passage ici, les gros clients, les habitués. Rien. Aucun d'entre eux n'a jamais croisé cette Valeria Santos avant. C'est comme si elle était apparue de nulle part.

Je reste silencieux, mais mes oreilles sont tendues, captant chaque mot de leur échange. Le mystère autour de ma patiente s'épaissit. Une femme aussi déterminée, aussi forte, qui surgit soudainement dans notre monde, et personne ne sait rien d'elle ? Ça ne colle pas.

Marcus, lui, semble moins inquiet, un sourire tordu se formant sur son visage.

— Elle me plaît, déclare-t-il finalement, jetant un regard amusé à Lola, il s'amuse d'elle en lui mentant à elle aussi. Une femme sans histoire, sans attaches. Elle est là pour s'amuser, comme nous.

Je serre les dents, mais je reste silencieux.

Lola continue de bavarder, mais mes pensées se détachent d'eux. Je dois surveiller Valeria de plus près. J'ai besoin de comprendre ce qu'elle cache, ce qu'elle veut vraiment. Parce que si elle est ici pour quelque chose de précis, cela pourrait bien changer l'équilibre des forces dans notre monde. Et je ne peux pas laisser Marcus jouer seul à ce jeu.