Sombre Faerie

Chapitre 24 : Cayla

— Tu ne devrais pas être ici.

Mon sourire s'efface et ma main s'arrête brusquement sur le pelage de Vorias. Cela fait déjà de longues minutes que je caresse le loup, presque machinalement avec adoration. Surprise par cette interruption, je ne me relève pas tout de suite de ma position agenouillée, levant lentement les yeux vers l'intrus.

Les yeux légèrement en amande de la reine fae me fixent avec une intensité perçante. Ma tension monte en l'observant si proche. Elle est encore plus impressionnante de près. Sa longue chevelure noire tombe en cascade sur ses épaules, encadrant parfaitement son visage aux traits durs. Sa beauté glaciale est saisissante, mais dénuée de chaleur.

— La Faerie...

— Je sais, me coupe la reine en avançant de quelques pas. Tu ne devrais pas être là, mais la Faerie en a décidé autrement.

Je décide de garder le silence, attendant la suite. Ses longues jambes se rapprochent, puis, à ma stupéfaction, elle s'accroupit lentement pour se mettre à ma hauteur. Son regard croise le mien.

— Je ne sais vraiment pas quoi faire de toi, Cayla, lâche la reine en soupirant. Une demi-fae ? Ça ne devrait même pas exister.

— Et pourtant, je suis là.

— Et pourtant, tu es là, répète-t-elle, son regard se perdant un instant dans le vide.

Une ombre traverse ses traits, une émotion qu'elle réprime rapidement. Elle détourne les yeux vers Vorias, son expression s'adoucissant légèrement. Le loup repose tranquillement à mes côtés, ses yeux mi-clos, comme s'il était indifférent à la tension qui nous entoure. Pourtant, il a choisi sa place auprès de moi.

La reine fae fronce les sourcils.

— Je ne comprends pas pourquoi il t'a choisie, murmure-t-elle, presque pour elle-même. Vorias était le compagnon de mon frère... et il ne s'attache pas facilement.

Son ton se fait plus tranchant lorsqu'elle revient à moi.

— Ne crois pas que cela te rend spéciale. Tu restes une demi-fae, un être qui ne devrait même pas exister.

Malgré ses paroles dures, quelque chose dans ses yeux trahit ses sentiments. Voir Vorias ici, à ses côtés, lui rappelle des souvenirs, des sentiments qu'elle préfère probablement garder enfouis. Mais son regard se durcit à nouveau, et la froideur revient.

— Je dois reconnaitre que voir ce loup revenir auprès des nôtres me rend plus encline à t'accepter parmi nous, mais, si ton sang d'humaine prend le pas sur ta nature fae, tu ne feras pas long feu ici, dit-elle d'une voix glaciale.

Elle se redresse avec une grâce presque inhumaine, m'observant encore une fois de son regard noir profond.

— Je ne veux pas devenir comme vous, lâché-je durement en affrontant son regard.

La tête penchée sur le côté, elle me contemple un moment en silence.

— Tu dois penser que nous sommes des monstres pour ce que nous avons infligé à tes semblables humains, n'est-ce pas ?

Je ne confirme rien, mais mon expression est équivoque.

La reine laisse s'échapper un rire étouffé.

— Tu n'as aucune idée de ce que nous avons vécu. Nous survivons grâce à la magie qui imprègne notre monde. Sans les sacrifices, la Faerie s'éteint. Mets-toi un instant à notre place et imagine voir ton univers se désagréger devant toi. Imagine une mère regardant son premier-né, cet enfant innocent, se faner comme une fleur, perdre sa lumière, et finalement s'éteindre dans ses bras. Dis-moi, à notre place, l'aurais-tu laissé mourir sans rien tenter ? Ou aurais-tu tout fait, tout sacrifié, pour le sauver ?