Entre Deux Feu

29.

Pdv Milia

La matinée s’éternisait. En cours, Milia ne pouvait se concentrer sur rien. Ses pensées la ramenaient inlassablement à ce moment dans l’arrière-cour du bar. Elle pouvait encore sentir le souffle de Clémence, presque percevoir la douceur de ses lèvres. Ce qu’elle n’arrivait pas à chasser, c’était la frustration. Pourquoi avaient-elles été interrompues ? Pourquoi n’avait-elle pas osé aller plus loin ?

La sonnerie retentit enfin, la libérant de sa torpeur. Milia rejoignit Emma, comme à leur habitude, sur le banc isolé dans l’aile est de l’université. Ce coin était leur refuge, un endroit où elles partageaient tout.

Mais aujourd’hui, Milia se sentait différente. Elle était tendue, nerveuse, et Emma le remarqua immédiatement.

— Milia, qu’est-ce qui ne va pas ? Tu me caches quelque chose, je le vois bien.

Milia détourna les yeux, mais les larmes commencèrent à monter. D’une voix brisée, elle murmura :

— Je... je... j’ai failli... l’embrasser.

Emma la fixa, incrédule, avant de presque crier :

— Qui ? Qui as-tu failli embrasser ?

Le cœur de Milia accéléra. Prise de panique, elle se leva et s’enfuit en courant. Elle se dirigea vers sa salle de cours de français, son sanctuaire du moment, espérant y trouver un peu de répit.

Elle entra en trombe, mais se figea en voyant Clémence, déjà là, assise à son bureau.

— McCarter, que faites-vous déjà là ? demanda la prof, levant les yeux de ses notes.

Milia baissa les yeux, cherchant une excuse.

— Pardon, Madame Mahieur. Je ne vous avais pas vue. Je voulais juste être un peu tranquille.

— Ah, je vois, répondit Clémence d’un ton neutre, bien qu’un léger froncement de sourcils trahissait son intérêt.

Milia s’assit à sa place habituelle. Elle sentait le regard de Clémence sur elle, un regard qu’elle n’arrivait pas à ignorer. Pourtant, chaque fois qu’elle levait les yeux, sa prof semblait éviter son regard.

— Pourquoi me regardez-vous sans cesse ? lança soudain Clémence.

Milia faillit éclater de rire. Elle ? C’était Clémence qui la fixait depuis le début. Mais elle décida de jouer le jeu.

— Oh, pardon, Madame. Je pensais à l’autre soir... vous savez, celui où on a failli s’embr...

— Oui, oui, je vois, coupa Clémence, visiblement mal à l’aise.

Milia sourit intérieurement. Elle avait trouvé un moyen de la déstabiliser.

— Vous savez que nous sommes prof et élève, n’est-ce pas, Madame ? ajouta-t-elle avec une pointe de malice.

Clémence tiqua, et Milia le remarqua immédiatement.

— Oui, je le sais très bien, répondit la prof sèchement. Mais... je n’étais pas moi-même ce soir-là.

— Ah bon ? Et vous êtes comment, d’habitude ? demanda Milia, un sourire en coin.

— Pas comme ça, répondit Clémence, visiblement agacée.

Milia se pencha légèrement en avant, son regard toujours fixé sur celui de sa prof.

— Parce que moi, j’aimerais bien savoir, répliqua-t-elle, ponctuant ses mots d’un clin d’œil provocateur.