Chapitre I

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Je fus tirée de ma réflexion par une vibration sur mon poignet. Je levai doucement ma tête et lançai un coup d'œil sur l'horloge. Vingt-quatre secondes, ils attendront. Je commençai à ranger mes affaires discrètement.Vingt-et-une secondes. Je replaçai les stylos dans ma trousse que je refermai en priant que le bruit de la fermeture éclair n'attire pas l'attention de ma professeur. Dix-sept secondes. Je commençai à tapoter mes ongles sur le rebord de la table les uns après les autres. Quinze secondes.En réalité seuls quatre de mes ongles frappaient le bois verni, le pouce n'étant pas sur le même plan que le reste de la main. Douze secondes. Son opposition permet la préhension de la main. Onze secondes. Le pouce n'a que deux phalanges par rapport au reste des doigts. Dix secondes. Pourquoi ? Neuf secondes. Tout simplement parce la quantité de protéines architectes dans le pouce embryonnaire est inférieur aux autres. Sept secondes. Cette faible quantité ne permet donc pas de créer trois phalanges. Cinq secondes. Par ailleurs, le mouvement et la direction du pouce peuvent être riches de sens.Trois secondes. Il peut signifier l'approbation ou la désapprobation, monter ou descendre, gracier ou condamner. Deux secondes. On peut même arrêter une voiture ou un taxi. Mais surtout, il permet... Une seconde....d'effacer.


Le bruit strident envahit la classe tout en arrachant quelque sourire. Je saisis mon sac, pris ma veste et accourrai vers la sortie, suivie par la foule.


« Je n'ai pas dit que vous pouviez sor... » Commença mon enseignante.


Ses paroles stoppèrent net le mouvement. Je passai la tête par l'encadrement de la porte et ajoutai :


« D'après la Circulaire n°76-121 du 24 mars 1976, l'heure de cours se répartit, je cite, obligatoirement en cinquante cinq minutes d'enseignement et en cinq minutes d'interclasse. »


Je regardai l'horloge pour la deuxième fois.


« Il est 16h55 et Sept secondes maintenant Huit. Plus nous parlons, plus nous sommes dans l'illégalité. Neuf secondes. »


Notre professeur échappa un soupir à la fois désapprobateur et amusé puis nous fit un geste nonchalant de la main nous indiquant que nous pouvions disposer.


La foule reprit sa course ; quelques rires et messages de remerciements fusèrent mais sans plus de surprise. En effet, mon sarcasme était quelque chose d'habituel et m'avait valu la méfiance de plusieurs enseignants.


Une deuxième vibration émanant de ma monte électronique me sortit de mes pensées. Je courus dans un coin, posai mon index sur son écran,abaissai ma tête au niveau de mon poignet et dis :


« June j'écoute.

-Tuas 30 secondes de retard June, où est donc passé ta ponctualité ?

-Avec la Circulaire n°76-121 du 24 mars 1976 qui stipule que tout cour doit contenir cinquante-cinq minutes d'enseignement. Tu te rends compte ?! En Finlande, en Allemagne, au Danemark, il dure seulement 45 minutes et beaucoup n'ont que cours le matin ! Je crie à la discrimination et à l'injustice !

-Bon June, quand tu auras fini de me faire part de tes revendications concernant ta scolarité, tu viendras nous aider.

-Bien Arthur. Qui sont les rebelles ?

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