Chapitre VIII

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Un silence se fit puis je perçus une voix brutale à l'arrière sans pouvoir décrypter ce qu'elle disait.

« On est désolés de ne pas t'avoir prévenue avant mais nous devons assister à un long stage intensif proposé par le Conseil. Ta mère et moi, on ne pourra pas rentrer à la maison pour une durée indéterminée. On te fait confiance, ne t'inquiète pas et ne fais pas de bêtises. On t'aime my lovely girl. »

Le message fut coupé brusquement. Sa voix tremblait. Qu'est-ce-que cela signifiait ? Le Conseil avait déjà organisé des stages alors pourquoi paniquait-il autant ?

J'avais l'habitude. Des parents scientifiques dans un projet couvert par le secret professionnel, cela engendrait forcément des absences à répétition.

J'avais besoin de me changer les idées, d'oublier ma routine quotidienne, d'enterrer les conflits. Pour cela, il n'y avait qu'une solution : Cléa. De nature timide, elle devenait plus que surprenant une fois qu'on la connaissait bien de là à lancer des répliques cinglantes et inattendues. Elle était grande et mince. Ses cheveux bruns ondulés coupés au carré retombaient sur son teint de porcelaine et ses joues rosée. Ses yeux étaient d'une couleur étrange : un mélange entre le marron et le vert.

Je composai le code qui permettait de déverrouiller mon téléphone. J'appuyai deux fois sur l'unique bouton et l'écran se rapetissa pour laisser place à des petites bulles contenant des photos. Je touchai la première : Cléa était toujours parmi mes contacts récemment utilisés. Je frôlai l'icône représentant un combiné téléphonique et portai le portable à mon oreille.

Au bout de 4 secondes, une petite voix résonna :

« Allo June ?

-Salut Cléa. Où es-tu pour le moment ?

-Je viens de sortir de la danse.

-On peut se rejoindre en ville ?

-Parfait ! J'avais remarqué un short à M&H.

-A la statue dans 15 minutes ?

-J'y serai. » Et je raccrochai.

Je n'avais jamais été très friande de shopping, au bout de 2 boutiques, je m'ennuyai souvent à mourir. Au contraire, Cléa adorait ça et elle me contraignait à l'accompagner !

Je pris le même sac que ce matin et me dirigea vers l'arrêt de bus, tant pis pour la course.

* * *

J'étais devant les horaires du bus n°9. J'apposai mon index sur la feuille et le descendis avant de m'arrêter à l'heure la plus proche. Je jetai un coup d'œil à ma montre : il arrivait dans 2 minutes. Quelle chance ! Cet exploit fait parti des petites choses de la vie que me font plaisir instantanément.

En attendant, j'observai une dame âgée assise sur le banc. Je commençai à la décrypter. Elle avait des cheveux mi-long très secs recouvert d'un teinture blonde qui laissait apparaître ses racines blanches au sommet de son crâne. Ses paupières fardées tombaient sur ses petits yeux bleus et des marques brunes de vieillesse tachetaient son visage ridé. Ses lèvres étaient redessinées grâce à un crayon rouge carmin. Tel un coloriage, elle avait rempli sa bouche d'un rose clair. Non ! Je dis non ! Non à la teinture blonde à partir d'un certain âge ! Non au fard à paupière violet étalé maladroitement ! Non au crayon plus foncé que le rouge à lèvre ! Cette femme avait du être très belle dans sa jeunesse, ce grain de beauté au dessus de sa bouche avait sûrement fait tourné les têtes, ces yeux océans avaient probablement bercés plus d'un regard. Mais aujourd'hui, elle était devenue la septuagénaire par excellence.

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