Chapitre XX

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J'observais la scène avec précision. La bille bleu sortit de la sarbacane et fonça tout droit sur la tempe de Théo avant de s'étendre sur cette zone. Il fallut quelques secondes à l'intéressé pour comprendre ce qui lui arrivait. Les deux garçons se regardaient, haletants, couverts de sueur, de vase et de terre. Théo brisa ce moment en soufflant longuement pour manifester sa déception d'avoir perdu. Suite à cela, tout le groupe sur la berge se leva et applaudit. Je fis de même. Alex tapota avec compassion sur l'épaule de son ancien adversaire et ils se mirent en route pour nous rejoindre.

* * *

Lorsqu'ils arrivèrent à notre niveau riant et discutant comme des amis d'enfance, ils furent à nouveau acclamés. Ethan les accueillit en simulant le bruit d'un roulement de tambour avant de lever en l'air la main du vainqueur. 


« Début du match plutôt équilibré, quelques coups de feu échangés mais en vain, à croire que vous n'avez jamais utilisé un pistolet de votre vie. Mais Alex a mené Noah tout le long. Alex, tes capacités d'attaque sont impressionnantes ! Vraiment ! Toujours aussi créatif et surprenant. Quand à toi, Noah, tu...comment dire... tu es très bon ... en esquive ! Il n'y a aucun doute sur ça mon pote ! Rappelle moi de te faire travailler ces bras de footballeur, il en profita pour lui faire un clin d'œil pas du tout discret. Cependant, je tiens à préciser que j'ai été surpris par ton initiative. Un coup de pied lors d'un combat dans l'eau est très décontenançant. D'autant plus que tes jambes possèdent probablement les seuls muscles développés chez toi. »


Quelques rires étouffés fusèrent pendant que Ethan renouvela son clin d'œil complice. Théo chercha mon regard comme pour me dire "Les jambes, c'était ton idée" mais je fis comme si je n'avais pas remarqué ses yeux posés sur moi. Néanmoins, à cette pensée, je ne pus m'empêcher de me trouver ridicule et j'esquissai un mince sourire.


* * *


Nous rentrions tous à QG, tel un groupe de maternels en sortie scolaire. Du fait d'avoir fait partie des combattants du jour, certains membres avaient pris l'initiative de venir discuter. J'avais tellement entendu de prénoms que je les mélangeais tous. Au fond, ce n'est pas si grave car ce n'est pas les noms écrits sur leur certificat de naissance. Sont-ils tous des anagrammes ? Choisissent-ils eux-même leur  identité ? Pleins de questions que je n'osais pas poser. Malgré leurs sourires et leur sociabilité, je ne me sentais pas totalement à ma place. J'avais l'impression d'être la taupe contre laquelle on n'hésiterait pas à se retourner.

Je marchais désormais seule en comptant mes pas. Lorsque j'arrivai à 48, un homme à l'apparence d'un octogénaire m'aborda. Il avançait clopin-clopant, le dos courbé. Ses paupières recouvraient ses yeux, si bien que je ne pouvais à peine distinguer la couleurs de ses yeux bridés. Son petit nez surplombait une moustache poivre et sel. Sa barbe de trois jours entourait une fine bouche sur laquelle s'affichait un large sourire. Il ne montrait pas ses dents mais ses lèvres s'étiraient. Son visage bronzé reflétait la sagesse, la paix et la sérénité. Une petite casquette trouée reposait sur son crane dégarni. Avant que je ne pus me focaliser à nouveau sur la couleur de ses yeux, il débuta la conversation:


« Noirs.

- Pardon ?

- Mes yeux, ils sont noirs, comme la plupart des personnes d'origine chinoise.

- C-Comment ?  »


J'étais réellement surprise par sa méthode d'approche. On dirait qu'il pouvait lire dans mes pensées.

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