CHAPITRE 10 : Conversation

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J'étais dans le bureau de mon père, qui aurait pu abriter un troupeau entier de taureau tellement il était grand et vaste. Les grandes baies vitrées très propres qui donnaient sur d'autres grattes ciels éclairaient parfaitement la pièce. Assise, jambes croisées, sur un fauteuil confortable et de luxe, face à une table où étaient disposés avec minutie des tas de paperasses incompréhensibles, mes pensées allaient tout droit à Bernard. Notre rencontre avait été si imprévue, si in-calculée... tout était allé très vite, entre nous, et j'étais impatiente que nous reprenions là où nous nous étions arrêtée. J'avais presque oublié ce salaud de James, et sa trahison félonne.

Je n'avais toujours pas pu parler avec mon père -il avait toujours quelque chose à faire, dans cette entreprise. Je voulais une discussion sérieuse et intelligente, dans laquelle je pourrais enfin mettre les points sur les I concernant cette détestée Katie. Apprendre que mon père se tapait Emily, une autre secrétaire ayant été mutée, ne m'avait pas rassurée ; et si tromper son conjoint était une routine, dans le couple pour le moins étrange qu'était mon père et ma belle-mère ?

Je poussai un long soupir las. J'étais effrayée que mon démon apparaisse dans un coin de la pièce, prêt à tout pour faire de moi la cible de ses cruautés infâmes. Dans ce grand immeuble, personne ne m'entendrait hurler : tous seraient bien trop occupés, plongés dans leurs travaux.

Mon père était parti en réunion, et en revint bientôt, une valise en cuir noire encore glissée entre son bras et son tronc. Il rentra dans la salle, discuta quelques secondes avec un employé qui se retira ensuite, et alla derrière son grand bureau -tout cela, sans me regarder une seule fois.

-Hum, papa ?

Il releva enfin les yeux vers moi. Après une seule journée de travail, il semblait vieilli de dix ans -des cernes étaient creusés sous ses beaux yeux gris, et il n'y avait aucune trace de jovialité sur son visage ridé. Je l'avais rarement vu comme cela.

-Oui Adélaïde, commença t-il en reportant son regard sur les fiches photocopiées. Pourquoi venir me déranger en plein travail ?

-J'ai jugé plutôt utile de t'informer que Katie, ta chère femme, te trompe.

Il ne broncha pas, rien en lui ne changea. Il continuait impassiblement de feuilleter ses dossiers. Seuls les muscles de sa mâchoire semblaient s'être contractés -mais c'était presque invisible. Tout était silencieux, très calme, comme si il était seul et que je n'avais rien dit. Son indifférence eut le don de me frustrer, et je haussai le ton :

-Ça ne te fait rien d'apprendre que ton épouse s'envoie en l'air pendant que tu travailles ?

-Ce ne sont là pas tes affaires, jeune Adélaïde.

Il était tranquille, carrément paisible même.

-Attends, ma mère vient de mourir dévorée par un taré, j'ai passé un séjour à l'hôpital, je surprend le mec à qui j'ai offert ma virginité dans le lit de ma belle mère, et tu t'en contre-fous ?

Cette fois-ci, il leva brusquement le menton vers moi. Ses yeux étaient plissés, ses sourcils s'étaient froncés, tout son visage s'était tout un coup endurci. Il frappa brutalement le poing sur la table, visiblement très en colère -c'est alors que je compris l'atrocité de ce que je venais de lâcher. Un choc sourd et puissant retentit dans toute la salle.

-Alors comme ça, tu t'offres à un homme, avant tes 25 ans ? Cria t-il. Tu me fais honte, Adélaïde.

Je ne cillai aucunement, sûre de moi et des choix que je prenais. Même si je n'avais pas 25 ans, je savais ce que je faisais en sautant le pas avec James. Même si il m'avait trompé par la suite. Je n'étais plus une petite fille à présent.

-Tu me déçois tellement ! Moi qui pensais que tu étais une bonne chrétienne, digne de ce nom !

-Au moins, je fais l'amour avec des gens que j'apprécie, et non avec un secrétaire, dans mes propres bureaux !

-DEHORS !

Sans me faire prier, je repoussai le fauteuil derrière moi, me levai agilement et me dirigeai vers la sortie, le regard froid et la mine fermée. Au moment où je m'apprêtai à passer la porte, on l'ouvrit et une jeune femme aux cheveux roux et à la grosse poitrine apparut derrière celle-ci. Elle entra dans le bureau, direction celui de mon père. Je sortis.

Mon géniteur pensait sûrement que je ne l'entendais pas, et il dit à l'attention de la femme :

-Vous avez vu les récentes photocopies ? Elles sont très suggestives... Celui qui les a fait a un bien long pénis !

-C'est peut être le votre, monsieur...

-C'est vrai que vous le connaissez bien.

Je claquai la porte derrière moi.

[TOME 1] Une petite jeune filleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant