CHAPITRE 16 : Batifolages

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En rentrant de chez le voyant, je m'en voulais terriblement. J'avais embrassé un autre homme, un homme que je connaissais uniquement depuis quelques minutes, un homme à qui j'avais parlé du monstre. Mais le pire, dans tout ça, c'est que je l'avais embrassé alors que Bernard devait penser à moi, dans le gratte-ciel de mon père, enseveli dans la paperasse importante et les papiers à signer de toute urgence.

J'étais fort bien décidée à ne jamais recommencer ce genre de stupidité puérile : j'aimais Bernard, j'en étais bel et bien convaincue. Je n'avais jamais ressenti de tel sentiment pour quiconque.

Je me sentais mal dans ma peau, comme épiée sous tout les angles possibles et imaginables. L'adultère (bien que le voyant et moi n'ayions pas couché ensemble) était mal. Bon sang, où était passé mon comportement de bonne catholique ?

Les jours suivants, je passais la majeure partie de mon temps dans les bras aimants de Bernard -j'essayais en quelques sortes de me faire pardonner, pour le péché que j'avais commis. Nous nous calinions dans son minuscule studio désordonné, dans ma grande chambre, ou même dans son bureau. Il m'invitait au restaurant, me faisait gouter à des mets délicieux, me racontait des blagues hilarantes. J'adorais être avec lui.

Alors que ma vie était auparavant un enfer, elle s'était désormais changé en véritable paradis. Tout d'abord, car le monstre n'était plus venu me rendre visite -le voyant avait eu raison sur ce point. Secondement, car je n'avais plus aucun contact avec ma belle-mère, qui était partie en Tunisie pour se faire refaire (une nouvelle fois) les lèvres. Troisièmement, car mes meilleurs amis, qui m'avaient fait penser que j'étais une malade mentale, ne me téléphonaient plus (je n'avais également pas de nouvelle de Tobi). Puis, pour finir, je me sentais adulte et confiante. J'avais la vie devant moi. Il fallait juste que j'oublie les événements du passé -ce qui allait être dur, mais peut être faisable. On ne sait jamais.

Ce jour-là, dans ma chambre, Bernard et moi batifolions, une fois de plus. Le gout de ses lèvres me manquait dès lors que je ne touchais plus celles-ci. Il sentait tellement bon l'homme, mais il possédait aussi une effluve familière -mon propre parfum. Mes mains étaient délicatement posées sur sa nuque musclée, les siennes sur mes cuisses. Je me détachai légèrement de lui et lui glissai :

-Je t'aime tellement, Bernard.

-Je t'aime aussi.

Il me serra de plus belle contre lui, contre son torse large et ferme d'athlète. Mine de rien, Bernard était sportif, et motivé qui plus est.

-Ah, j'ai oublié de te dire, reprit-il en interrompant de nouveau notre étreinte passionnée (cette fois-ci, je poussai carrément un gémissement de mécontentement). J'ai un bon de réduction chez le voyant. Comme je n'y vais plus, tu pourrais peut être prendre ma place ?

J'oubliai volontairement de lui informer que, pour moi, les séances de voyance étaient à présent totalement gratuites -il s'agissait d'une faveur que m'avait offert le bonhomme peu après notre baiser. Je déglutis en repensant à ce moment bien étrange.

-Tu allais chez le voyant ? demandai-je, pour changer de sujet.

-J'ai eu des vieux problèmes de famille aussi.

-Je m'y connais avec ça, souris-je.

Il me rendit mon sourire -un sourire délicieux, craquant-, et approcha ses lèvres des miennes pour m'embrasser. Je profitai pleinement de l'instant.

-Bon, sérieusement. J'ai envie que tu te sentes vraiment bien, continua t-il peu après. J'ai envie que tu sois sûre que ce monstre de merde ne vienne plus te voir. Je veux pouvoir profiter encore plus de toi.

Sans crier gare, j'éclatai d'un grand rire sonore en basculant la tête vers l'arrière.

-Allez, vas-y, mon ange. Vas chez le foutu voyant, qu'on en reparle plus.

-J'y irais, soupirai-je à contre coeur. Juste pour te faire plaisir.

Cette fois, ce fut lui qui rit, et il me bascula dans le lit. Il défaisait agilement les boutons de mon joli chemisier à motifs fleuris, comme si il l'avait déjà fait mille et une fois. Le plaisir était pour le moins intense, lorsque soudainement, un détail me heurta. Je le repoussai avec une douceur incroyable, et lui chuchotai très bas :

-Mon père rentre plus tôt ce soir. On ne va pas pouvoir le faire aujourd'hui.

Il eut l'air déçu, mais se ressaisit, et se releva sans encombres. Il rajusta ses habits bizarrement froissés, chaussa ses sneakers sans un bruit, puis se tourna vers moi, comme pour me demander ce qu'il devait faire ensuite. Il était tellement adorable !

-Descend à pas de loup, murmurai-je à son intention. Si mon père est dans le hall... dis lui que tu m'apportais mon magazine féminin !

-Ce n'est pas très crédible.

-Ferme là et dépêche toi, lui soufflai-je gentiment.

Il m'envoya un baiser dans l'air, puis passa ma porte. Quelques minutes plus tard, voulant vérifier si il était bien sorti de mon appartement sans être démasqué, je me dirigeai moi de même vers le hall d'entrée. Au moment où je remontai dans ma chambre, des bruits de souffles cadencés me parvinrent, venant de ma salle de bain.

Je m'apprêtai à découvrir ma belle-mère, en pleins ébats avec une autre de ses conquêtes (ou même James ; maintenant que je me la coulais douce avec mon cher Bernard, je m'en fichais), mais lorsque je passai les yeux dans l'entrouverture, je vis Lauren et mon père à demis-nus et l'un sur l'autre.


[TOME 1] Une petite jeune filleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant