PROLOGUE

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Je vivais à Dallas depuis mes huit ans, l'âge où mon père, boss d'une entreprise bancaire quelque peu renommée, et ma mère, femme au foyer dont la majeure partie du temps libre consistait à cuisiner des tartes, avaient divorcés, et non en très bons termes. Ma génitrice avait en fait surpris mon père et sa secrétaire dans la cuisine (qui était pourtant son refuge, le seul endroit où elle paraissait déchainée et où elle ne se souciait plus de son brushing), en pleins ébats. La secrétaire, Katie Lorenzo, ne nous le cachons pas, était en tout point plus jolie que Maman. Ses jambes étaient longues et halées, ses cheveux blonds et maintenus en un parfait chignon dont aucun cheveu ne dépassait, et ses lèvres paraissaient naturellement rouges. Une semaine à peine après l'atroce scène, les papiers du divorce étaient déjà signés. Ma mère avait réussi à trouver un petit appartement à Dallas (qui devait la changer de notre grande maison à style colonial, dans la banlieue de Tucson), ainsi qu'un emploi convenable dans un restaurant populaire. Mon père, quant à lui, avait jugé raisonnable d'emménager dans la même ville qu'elle, pour que mes allers-retours entre les deux maisons ne soient pas trop pénibles. Il avait acheté tout l'étage d'un gratte-ciel, rien que pour son entreprise, et avait épousé Katie. Et j'étais ballotée entre ces deux quotidiens, maintenant si différents.

Moi, Adélaïde, 17 ans. Des cheveux clairs et longs, un visage aux joues rondes de bébé, un style anodin et une vie sociale quasi-inexistante. Les autres filles de mon âge possédaient des petits copains fidèles, des meilleures amies avec lesquelles elles s'échangeaient les derniers ragots, et des allures de top-model. Je n'avais rien de tout cela.

A vrai dire, je n'en souffrais pas vraiment -c'était à peine si je m'y intéressais. Le chemin de ma vie était d'ors et déjà tout tracé, devant moi ; lorsque mon père ne serait plus capable de gérer son entreprise, je le ferais à sa place. J'épouserais un jeune homme de bonne éducation, nous aurions deux ou trois enfants, et l'héritage se perpétuera -etc., etc. Rien d'impressionnant.

Et pourtant, la nuit du douze septembre 2015, allongée sur mon lit, les yeux grands ouverts dans l'obscurité, les ronflements et les bruits de la rue me parvenant sourdement, j'eus envie de changer. J'eus envie de faire ce que je voulais vraiment faire. C'est à dire, ne pas finir ma vie cloitrée dans un bureau, à coucher avec des secrétaires sexys (trompant de ce fait mon mari), à signer un tas de papiers inintéressants et à boire du café froid dans des thermos.

Je ne savais pas d'où me venait ce si soudain élan de folie, mais il me plaisait assez. Je n'avais pas bougé d'un cil, et pourtant, c'était comme si tout était bouleversé.


[TOME 1] Une petite jeune filleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant