Chapitre 17 - En orbite

48 1 2
                                    

Ils survolaient l'erg oriental du Sekhal, cette vaste étendue de dunes dorées en bordure de la côte, où le désert semblait s'allonger à l'infini en plongeant sous une eau turquoise et limpide. Ici, deux solitudes, tout aussi stériles et cruelles l'une que l'autre, se côtoyaient et souvent, s'affrontaient dans un cycle perpétuel de destruction. Certes, l'océan pouvait déchaîner ses puissantes vagues pour avaler des dunes entières et paraître, un certain temps du moins, en voie de forcer le recul du désert. Mais toujours, le sable revenait et sous un soleil implacable, l'eau des lagunes éphémères s'évaporait en quelques jours à peine. Seuls témoins de cet interminable duel, des fleurs de sel parsemaient ici et là le creux des bancs de sables le long de la côte.

Réveillé depuis peu après un sommeil de plus de deux heures, Sam portait un regard vide sur l'erg maritime, anormalement calme, qui défilait sous ses yeux. Tout comme la mer sans ride à leur gauche, le jeune homme semblait détendu, mais les apparences trompaient : sous un masque placide, un maelström d'émotions teintées de crainte et d'espoir tourbillonnait dans son esprit alors qu'il songeait aux combats à venir. Ce fut Hachel qui le tira de ses pensées lorsque les plateformes de lancement du spatioport de Safi commencèrent à se profiler à l'horizon. Une dizaine de fusées de chargement, toutes pointées vers le ciel, s'enlignaient devant eux. Les engins hauts de plusieurs dizaines d'étages décollaient à tour de rôle pour charger de minerai le super-transporteur interstellaire en orbite autour de la planète. Devant eux, ils apercevaient l'une de ces fusées qui venait tout juste de décoller, laissant derrière elle un immense nuage de fumée blanche.

Le spatioport se situait en retrait du littoral, à environ trois heures de vol de Nidja. Près de dix milles humanidés s'y activaient jour et nuit pour assurer l'opération du plus important terminal spatial de la planète. Si les ramiens y venaient à l'occasion pour inspecter les lieux, ils n'habitaient pas le site. Zorgan s'était d'ailleurs informé avant de quitter Nidja et ses sources l'avaient assuré qu'il n'aurait pas à se soucier d'aucune présence ramienne ce jour-là.

Ils se posèrent une quinzaine de minutes plus tard à l'entrepôt médical, en retrait des plateformes. Les cargaisons de médicaments importées sur Karajou y débarquaient avant d'être réacheminées ailleurs sur la planète. Les équipiers sortirent sur la piste d'atterrissage en laissant Orik et l'inspecteur à l'abri des regards indiscrets; une mesure en apparence inutile puisqu'ils se retrouvèrent seuls sur le tarmac. Le soleil de plomb, à cette heure du jour, dissuadait même les plus téméraires de s'exposer à la chaleur accablante propre au Sekhal.

« Je dois aller signer le registre des arrivées, affirma Hachel. Vous avez encore au moins deux heures avant qu'ils ne viennent charger le cargo. Zorgan, fais-moi signe si tu as besoin de plus de temps avant de transférer ta marchandise, je pourrai m'arranger pour les retarder un peu.

- Ça devrait aller. J'ai fait affréter une navette et nous partirons d'ici une heure. Je dois d'abord rencontrer notre agent de liaison pour l'avertir de ce qui se prépare. Je reviens dans quinze minutes environ, attendez-moi ici. »

Sam s'assit seul sur les marches de la passerelle d'embarquement du cargo. L'ombre du véhicule le protégeait du soleil. Devant lui, il discernait les plateformes de décollages d'où les précieuses ressources minérales prenaient la route de l'espace. Un bruit assourdissant le força à se boucher les oreilles alors qu'une autre fusée se détacha du sol. Il ressentit même les vibrations causées par le décollage du mastodonte. L'observation des activités autour des plateformes l'occupait depuis un bon moment lorsqu'il aperçut une silhouette au loin sur la piste. Il reconnu son mentor et lorsque ce dernier le rejoignit il nota son air furieux. Le jeune homme le connaissait trop bien pour oser le questionner et il se contenta de le fixer en silence.

« On a un problème, dit-il sèchement en regardant son protégé. Où est Hachel?

- J'arrive, » cria le gaillard avant même que Sam n'ait le temps d'ouvrir la bouche. Il sortit aussitôt du cockpit pour les rejoindre.

Les gondoliers 1: La chute des SafalyneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant