Chapitre 28 - Les déserteurs

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La destruction inattendue du croiseur ennemi venait de semer l'émoi sur Karajou alors que les rebelles s'employaient sans relâche, depuis le premier jour de leur insurrection, à contrer la future riposte impériale – un affrontement décisif pour conquérir leur liberté, répétaient sans cesse les deux nouveaux chefs de la planète, Afsheen-lêq et Zorgan. Eux qui s'attendaient à une bataille féroce et surtout, sans lendemain s'ils échouaient, ne savaient pas quoi penser de cette explosion surprise qui venait tout juste de ravager l'imposante machine de guerre. S'agissait-il d'une manœuvre pernicieuse destinée à les tromper ou d'un accident, dont seul le destin avait le secret ? Le stratège penchait pour la tromperie. Il tentait de convaincre l'aîné de son ancien compagnon d'armes, Numer-lêq, de demeurer sur un pied de guerre lorsque leur système de surveillance planétaire repéra la capsule de sauvetage d'Eshram et d'Hawwa dans la haute atmosphère de Karajou.

Zorgan supervisait l'ensemble des opérations depuis leur poste de contrôle dans l'Agruzze tandis qu'Afsheen dirigeait sur le terrain la défense de l'Ahra-2, où se trouvaient leurs milliers d'otages. Ce fut Vriss, le chef opérateur du centre de contrôle, qui vint les aviser d'une voix tendue :

« Attention, nous avons du nouveau. Le radar vient de repérer un engin non identifié qui se déplace vers la surface. Nous recevons un signal de détresse et il pourrait s'agir d'une capsule de sauvetage. » Tout en parlant, l'opérateur pointa à l'intention de Zorgan un point lumineux en déplacement sur l'écran-radar. En onde, Afsheen intervint aussitôt :

« Quel genre d'engin ? Crois-tu qu'ils tentent de faire passer un bataillon en simulant une manœuvre de sauvetage ?

- Hum, ça m'étonnerait, répondit Vriss. Ça ressemble à une petite capsule, qui pourrait transporter tout au plus une dizaine d'individus et...

- Alors un commando, coupa Afsheen. Quelle est leur destination ?

- Ils semblent se diriger vers la rizière de Karthazyan.

- Afsheen, répliqua Zorgan. Ça serait étrange de leur part d'envoyer quelques soldats dans un endroit comme celui-là. Nos troupes sont nombreuses dans la région et je suis certain qu'ils le savent. Que ferais-tu si tu voulais permettre à un commando de s'infiltrer sur Karajou ? Tu ne choisirais quand même pas d'atterrir en plein milieu des troupes ennemies ! Ça n'a pas de sens.

- C'est vrai, admit-il aussitôt. Je les enverrais dans une zone en retrait pour éviter un massacre. Bon, peut-être une bombe, alors ? » Le timbre de sa voix laissait entendre qu'il n'y croyait pas vraiment.

« Non, trancha Zorgan. S'ils voulaient nous bombarder, ils auraient envoyés des centaines d'ogives plutôt qu'une seule et surtout pas en la gaspillant dans une rizière.

- Attention, intervint Vriss. La capsule sera hors de portée de notre artillerie anti-spatiale dans trente secondes.

- Ça me paraît trop risqué de la laisser atterrir, détruisons la, déclara le stratège.

- Non ! s'objecta Afsheen. Non, je ne crois pas. Écoutez : s'il s'agit d'une feinte, alors en toute logique, ils s'attendent peut-être à ce qu'on leur tire dessus. Et s'il s'agit de vrais rescapés, ils pourront nous en apprendre un peu plus sur ce qui vient de se passer là-haut. Il ne faut pas détruire cette capsule, ce serait une erreur. »

Vriss surveillait le stratège, debout à ses côtés. Ce dernier fixait l'écran-radar et il paraissait hésiter. Après quelques secondes d'un lourd silence, Afsheen parla à nouveau et cette fois-ci, il commença à s'impatienter :

« Zorgan, fais-moi confiance. On a des centaines de soldats dans la rizière, au palais et dans la capitale. Ces ramiens ne pourront pas aller bien loin.

Les gondoliers 1: La chute des SafalyneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant